Véto, ça gagne bien non ?

Cet article s’inscrit dans une petite série d’idées reçues autour du métier de vétérinaire que nous allons développer ensemble au fil des semaines. Toutes ces phrases toutes faites, ces impressions, et ces croyances populaires, qui parfois font sourire ou parfois font rire jaune …

Ces articles ont plusieurs objectifs :

  • Vous montrer que vous n’êtes pas seuls à vous heurter à ces préjugés
  • Vous informer sur des sujets variés afin de mieux comprendre notre métier
  • Vous donner des pistes et des arguments documentés pour répondre aux éventuelles questions (voire agressions on ne va pas se mentir 😉 ) auxquelles on peut être confrontés dans notre travail.

Alors si vous en avez marre du fameux “ha ben ça va vétérinaire tu dois te faire des millions vu comme c’est tous des voleurs !” et autres joyeusetés, voilà de quoi mieux comprendre les différents points de vue sur ces généralités.

Mais alors justement, vétérinaire ça gagne bien non ? Cette idée reçue est tenace. Les vétérinaires peuvent avoir l’image du docteur vénal qui ne fait son métier que pour l’argent et gagne 20 000€/mois. C’est d’autant plus difficile à supporter quand on commence à travailler et qu’on se rend compte des salaires réellement gagnés par les jeunes vétérinaires… 

Un petit point tarifs des soins et salaires s’impose ! 😉

Pourquoi cette image ? (ou “Le prix des soins”)

L’image du vétérinaire vénale et richissime dans l’imaginaire collectif est due à plusieurs raisons. Une des premières étant liée au système de santé français au sein duquel nous avons la chance d’avoir une sécurité sociale prenant en charge une partie des frais médicaux. La conséquence directe est que le public n’a pas forcément conscience du coût réel des soins qu’il reçoit. Ainsi les coûts des soins vétérinaires paraissent élevés en comparaison de ce qui est payé pour un humain.

En 2012 l’Expansion a réalisé une étude des prix pour une journée d’hospitalisation sur 420 centres hospitaliers publics français. Selon eux, la facture peut varier de 66 à 446€ par jour (sachant que les mutuelles remboursent ensuite une partie de la facture au patient (1)). 

On parle bien ici de la facture envoyée au patient, mais qu’en est il du coût réel de l’hospitalisation ? 

À l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, le tarif journalier de prestation affiche 1 112, 86 € en médecine spécialisée et atteint 1 504, 88 € en chirurgie. Alors pourquoi une telle différence avec la facture envoyée au patient ? Parce que les frais d’hospitalisation sont remboursés à hauteur de 80 % du tarif de convention directement par l’Assurance maladie ! Dans certaines situations, l’Assurance Maladie rembourse même jusqu’à 100% (c’est le cas des actes médicaux lourds valant plus de 120 euros, des hospitalisations de plus de 30 jours, des soins pour les femmes enceintes et les nouveaux nés …) (2). Ce contexte donne donc vraiment l’impression que les soins sont peu chers en France. 1 patient sur 8 quitte en effet l’hôpital sans débourser un euro (3) !

Pour réellement comprendre le prix des soins, il faut aussi visualiser l’équipement lié à la polyvalence du métier. Le vétérinaire dans sa clinique est médecin, chirurgien, anesthésiste, radiologue, chef d’entreprise, … Il doit donc payer ses salariés, le matériel, la maintenance du matériel, les médicaments, éventuellement un loyer pour les locaux etc … Ses frais et ses charges sont beaucoup plus importants car variés et nombreux (mais nous y reviendrons en détail un peu plus loin…)

De plus, les vétérinaires peuvent fixer leurs prix librement (contrairement aux professionnels de santé humaine qui sont conventionnés et suivent donc les prix fixés à l’échelle nationale). Pour un acte identique sur le papier, les prix peuvent varier du simple au double selon le matériel de la clinique, le personnel employé, la zone géographique etc …

Pour comprendre le prix des traitements il faut également garder à l’esprit que les vétérinaires doivent lors de leur prescription respecter la cascade. Kézako ? Cela signifie que l’on a le droit de prescrire un médicament humain seulement si l’équivalent vétérinaire n’existe pas. Pour un traitement équivalent, nous avons l’obligation de prescrire la spécialité vétérinaire. Or ces spécialités vétérinaires sont souvent bien plus chères que leur homologue humain !

Mais pourquoi ?!

La première différence concerne la TVA : elle est de 20% en médecine vétérinaire alors qu’elle n’est que de 5.5% en médecine humaine (cela fait déjà une différence de 14,5% imposée par l’Etat). 

Les coûts de production sont proportionnellement plus chers : les produits vétérinaires ne bénéficient pas des mêmes économies d’échelles alors que les contraintes réglementaires sont proches des médicaments humains. Et oui, le marché du médicament vétérinaire est 20 fois plus petit qu’en humaine : les coûts ne peuvent pas être autant répartis …(5)

Prenons un exemple concret de pommade ophtalmologique de composition égale, existant en médecine humaine et vétérinaire (4).

  • Le tube de pommade est acheté par le pharmacien environ 1 à 2 euros à une centrale d’achat humaine. Avec une marge de 150% il sera donc vendu entre 2 et 4 euros en pharmacie (dont 30% sera remboursé au patient).

  • Le tube d’une contenance équivalente de pommade en centrale d’achat vétérinaire coûte entre 5 et 6 euros au vétérinaire. Avec une marge de 150% il sera donc vendu 15€ en clinique vétérinaire.

En bref :

  • des coûts médicaux sous-estimés par le grand public en raison d’une prise en charge des soins humains en France.
  • des charges et des prix importants ‘imposés’ aux vétérinaires par les institutions, les centrales d’achats et les laboratoires pharmaceutiques vétérinaires.
  • du matériel et des consommables onéreux rendus nécessaires par la pluridisciplinarité du métier de vétérinaire.
  • des prix libres fixés par les vétérinaires avec des variations importantes d’une clinique à l’autre.

Que gagne réellement le vétérinaire ? (ou “La convention collective”)

Là aussi, ça dépend de nombreux paramètres ! Les spécialisations du vétérinaire, l’ancienneté, la région, le type de forfait (heure ou jour), la négociation… pouvant donner lieux à des variations énormes entre deux vétérinaires. 

Le statut du vétérinaire, s’il est salarié, patron associé ou collaborateur libéral va aussi influencer le calcul de son revenu. 

Concernant les salariés vétérinaires, la convention collective fixe la base minimum des salaires à l’aide du point, réévalué tous les ans. La valeur du point 2021 a été fixée à 15,69€ au premier janvier 2021, soit une augmentation de 1,22% par rapport à 2020.

Pour rappel,en 2021 le SMIC brut mensuel est à 1 554,58€/mois soit un taux horaire brut de 10,25€/heure (6). Le salaire de base du vétérinaire non thésé est de 2 039,70€ brut mensuel soit un taux horaire brut de 13,45€/heure.

Cadres intégrés : contrat heures (35h)

Salaires minimum conventionnels 2021 d’après Vetojob (7)

Échelon

Salaire brut annuel

(€/an)

Salaire brut mensuel

(€/mois)

Taux horaire brut

(€/heure)

Échelon 1 (élève non cadre) 24 476,40 2 039,70 13,45
Échelon 2 (cadre débutant) 28 242,00 2 353,50 15,52
Échelon 3 (cadre confirmé A) 33 890,40 2 824,20 18,62
Échelon 4 (cadre confirmé B) 39 538,80 3 294,90 21,72
Échelon 5 (cadre spécialisé) 45 187,20 3 765,60 24,83

Cadres autonomes au forfait annuel en jours (216j)

Salaires minimum conventionnels 2021 d’après Vetojob (7)

Échelon

Salaire brut annuel

(€/an)

Salaire brut mensuel lissé (€/mois (18j))

Salaire brut journalier

(€/jour)

Échelon 2 (cadre débutant) 33 890,40 2 824,20 156,90
Échelon 3 (cadre confirmé A) 40 668,48 3 389,04 188,28
Échelon 4 (cadre confirmé B) 47 446,56 3 953,88 219,68
Échelon 5 (cadre spécialisé) 54 224,64 4 518,72 251,04

 

“ J’ai travaillé en tant que salariée (échelon 2) principalement dans deux structures depuis ma sortie de l’école. Dans la première, je travaillais parfois de jour (35 heures/semaine + dimanche de garde) et parfois de nuit (semaine et week-end compris). Mon salaire était très variable selon l’intensité des gardes. En moyenne il tournait aux alentours de 2500 euros net/mois. Dans la seconde, j’ai travaillé de jour uniquement, en ¾ de temps forfait jour, sans gardes. Mon salaire était de 1650 euros net/mois. La chute a piqué un peu… oui c’est un fait, lorsque l’on est jeune véto, les gardes, ça rapporte …! ”

Pauline

__________________

L’UNASA (Union Nationale des Associations Agréées) réalise chaque année des statistiques sur les recettes et bénéfices par secteur d’activité pour les professions libérales

Pour l’année 2019 la moyenne nationale des vétérinaires français libéraux (sur un échantillon de 628 personnes) donne un revenu mensuel net de 4517,75€. Le premier quartile est à 1704,75€/mois et le dernier à 9514,92€/mois (8).

Dans ces moyennes n’apparaissent pas les temps de travail comme pour un salarié (35h, travail de jour). Ici il peut s’agir indifféremment d’un vétérinaire à temps complet ou non, avec du travail de nuit, de week-end etc… Pour rappel, en 2019, le SMIC (donc 35h/sem sans travail de nuit) était à 1171€ net/mois.

Bénéfice

comptable

de différentes

professions

libérales en 2019

d’après

l’INSEE (9) et l’UNASA (10)

 

Profession libérale

Moyenne net/mois

Premier quartile

Quatrième quartile

Anesthésiste-Réanimateur

14 632,92 €

2 945,58 €

26 370,75 €

Ophtalmologie

12 504,83 €

3 809,17 €

24 552,08 €

Chirurgie générale

11 429,08 €

2454,83 €

23 401,25 €

Radio-diagnostic et imagerie médicale

10 360,58 €

2 616,17 €

21 837,42 €

Chirurgien dentiste

7 679,25 €

3158,00 €

13 942,33 €

Médecine générale

7 578,25 €

3 308,42 €

13 145,25 €

Vétérinaire

4 517,75 €

1 704,75 €

9 514,92 €

 

“ J’ai travaillé directement en collaboration libérale depuis que je suis sortie de l’école, mes revenus d’un mois sur l’autre peuvent donc énormément varier en fonction du nombre de jours travaillés dans ma structure principale, du nombre de gardes prises (et de leur rentabilité !) ou d’éventuels remplacements supplémentaires. En plus la première année de nombreuses aides allègent les charges payées par les jeunes vétérinaires, mais tout ça est équilibré avec les charges de la seconde année qui piquent un peu … Quelques chiffres pour illustrer ça :

– Février 2019 pour 2 gardes (1 nuit et 1 weekend) et 10 journées de travail (2,5j/semaine) j’ai touché 2 621€ AVANT paiement des charges.

– Mai 2019 pour 3 gardes (2 nuits et 1 weekend) et 15 journées de travail (4j/semaine) j’ai touché 5 170€ AVANT paiement des charges.

– Sur 2019 mes recettes encaissées étaient de 46 302€ soit 3 800€/mois mais mon bénéfice était de 33 044€ soit 2753€ net/mois (18% de charges).

– Sur 2020 mes recettes encaissées étaient de 50 069€ (soit 4 171€/mois) mais mon bénéfice était de 32 971€ soit 2 747€ net/mois (35% de charges).

Oui, j’ai travaillé plus pour gagner autant ! En gros pour un ¾ temps avec des gardes de nuit et de weekend ponctuelles mais assez chargées, et une ou deux semaines de vacances dans l’année j’étais environ à 2700€net/mois.”

Marie

En bref,

Les moyennes tout statut et tout échelon confondu selon les sources :

  • 2600€ net/mois (11)
  • 2914€ net/mois (12)
  • 2250,33€ net/mois (13)

Un vétérinaire thésé gagne assez bien sa vie, mais il est difficile de faire une moyenne représentative, puisque :
– le net à la fin du mois est compris entre 1 800€ et 9 500€ (l’écart est saisissant non ?)

– on peut difficilement séparer les vétérinaires travaillant exclusivement de jour, celui faisant des gardes de nuit et celui qui est disponible 24h/24 et 7j/7 (cf notre article “Vétérinaire, ça fait 80h/semaine, non ?”)

Mais où va l’argent que le client paye ? (ou “Les taxes”)

Lorsque le client paye une certaine somme après sa visite chez le vétérinaire, il a l’impression que la totalité de ce qu’il vient de payer est encaissé comme bénéfice. C’est loin d’être le cas : les charges peuvent facilement représenter plus de 70% de la facture (14) !

Sur cette somme, le vétérinaire :

  • Reverse la TVA (20%) à l’État.
  • Paye ses salariés.
  • Achète des médicaments, des consommables et du matériel.
  • Paye ses charges courantes (électricité, gaz, eau courante, assurances …).
  • Parfois paye un loyer s’il n’est pas propriétaire des murs.
  • Cotise à la caisse obligatoire de retraite des travailleurs indépendants.
  • Paye ses cotisations sociales obligatoires (URSSAF, assurance maladie …) et les inscriptions professionnelles obligatoires pour exercer (cotisation ordinale, dosimétrie, RCP…).

Voici en exemple un diagramme réalisé par une consœur d’après son bilan comptable réel (15).

D’après la clinique du Rond Point Voiron (15)

Une fois toutes ces parties soustraites, le vétérinaire paye comme n’importe qui son impôt sur le revenu restant (16). Prenons pour l’exemple une tranche d’imposition intermédiaire cohérente avec les salaires évoqués plus haut soit 30%. Après paiement de son impôt sur le revenu, il reste donc 10,4€ au vétérinaire sur une facture à 100€.

“Exemple personnel, avec un calcul un peu plus grossier. Je suis collaboratrice libérale dans une structure de garde de nuit où je suis rémunérée en pourcentage des actes que je facture. Pour une chirurgie de 2h facturée 300€, on me reverse 90€, sur lequel je rembourse la TVA (15€). Je paye ensuite les charges (CARPV, URSSAF, assurance maladie, prévoyance, RCP, …) qui représentent en moyenne 35% de mes revenus. Il me reste donc 48€. Ainsi pour une heure de travail de nuit qui aura coûté 150€ au client, je touche 24€ sur lesquels je paierai encore environ 7€ d’impôts.”

Marie

En bref, même sur des factures jugées mirobolantes, les vétérinaires ont des charges imposées proportionnelles, donc le bénéfice réel final est bien moindre … Sur une facture de 100€ réglée par le client, le vétérinaire touchera réellement entre 10 et 20€. Il ne faut pas oublier qu’on parle ici d’un métier à fortes responsabilités, avec des études longues et relativement difficiles … Le débat est ouvert !

Conclusion générale :  alors vétérinaire ça gagne bien ?

Bien sûr, on n’est pas les plus à plaindre et certains vétérinaires gagnent très confortablement leur vie. Cependant les responsabilités vont de pair avec l’augmentation des revenus. Comparativement avec les autres professions libérales nous sommes en réalité parmi les plus mal rémunérés (10) … En prenant en compte la longueur des études, les horaires contraignants, le travail de nuit, la charge mentale et la pression relative à nos responsabilités vis-à-vis de la santé d’un être vivant, le salaire est bas, notamment en raison des nombreuses charges imposées aux vétérinaires.

Avec la participation de Meiko et Patmolle, meilleur jeu d’acteurs depuis 1967.

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