Dre Laure Prillieux : vétérinaire à domicile

Bonjour à tous, aujourd’hui nous retrouvons le Dr Prillieux, qui a accepté de nous parler de son expérience en tant que praticienne en canine. Laure est actuellement vétérinaire praticienne à domicile, mais elle a également travaillé dans une structure pendant plusieurs années avant ça, en particulier en médecine et imagerie scanner.

 

Tout d’abord merci beaucoup Laure d’avoir accepté de répondre à nos questions ! Je suis particulièrement touchée par cet échange aujourd’hui puisque Laure est une des vétérinaires avec qui j’ai travaillé en sortant de l’école, qui m’a énormément appris et soutenu et qui est aujourd’hui une amie chère.

 

On va commencer par le début, est-ce que tu peux te présenter et nous dire quel a été ton parcours jusqu’à ton diplôme de vétérinaire ?

Bonjour à tous et merci aussi Marie pour cet entretien qui va me permettre de vous présenter ma pratique perso. Moi j’ai fait un parcours tout à fait classique avec un bac S, ensuite une prépa véto-agro (qui s’appelait BCPST à l’époque je ne sais pas si c’est encore ça maintenant). J’ai redoublé, j’ai fait deux fois ma deuxième année (de prépa) qui m’a mené au concours véto classique et j’ai intégré l’école de toulouse (TOULOUSE POULOTS) où j’ai fait mes 5 années comme tout le monde avec ma thèse à la fin. Je suis sortie en 2013. J’avais une petite préférence pour le comportement donc j’ai aussi fait ma dernière année en tant que monitrice de comportement donc j’avais ça en plus dans mon beau parcours, mon beau CV en sortant de l’école (rires).

 

Comment as-tu choisi la canine à l’école ? Est-ce que ça s’est imposé rapidement ?

En intégrant l’école, j’avais plutôt opté pour l’équine, parce que je faisais de l’équitation depuis l’enfance comme un grand nombre d’étudiants de véto. Et puis finalement, je me suis tournée vers la canine parce que je pensais que pour moi c’était plus adapté une vie citadine, auprès des chiens et des chats … et puis des nouveaux animaux de compagnie qu’il ne faut pas négliger !

Les chevaux j’ai un petit ralenti parce que c’est un milieu très particulier, enfin c’est ce que je pense.

 

Comment te sentais-tu en sortant de l’école ? Quel était ton état d’esprit en entrant dans la vie active ?

Alors je pense que comme un petit peu tout le monde, j’étais paniquée ! Je n’avais pas fait beaucoup de stages et ça je pense que c’est un tord, j’avais très peu d’expérience sur le terrain. Ma première expérience pro c’était un remplacement d’été où là vraiment j’ai été un peu lâchée toute seule dans le grand bain … et il a fallu se débrouiller. Paniquée, je pense que c’est le mot.

 

(C’est honnête ! ) Et donc outre ce premier remplacement, tu as vraiment commencé à travailler dans la même structure que moi, pas mal de la médecine avec un peu de référé et notamment pour toi de l’imagerie et beaucoup de scanners. Qu’est-ce qui t’a fait choisir cet exercice-là ? Est-ce que c’est un peu le hasard qui fait que tu t’es retrouvée là ou est-ce que c’était vraiment un choix de ta part ?

Cette grosse clinique c’était un peu le hasard : j’ai répondu à une annonce qui cherchait un poste de praticien tout à fait classique au départ, c’était pour un poste de médecine générale, éventuellement un peu de médecine interne. Je n’avais quasi jamais exercé alors il fallait bien commencer par quelque chose et une clinique avec beaucoup de matériel et des compétences diverses (chirurgie, endoscopie, scanner …) ça me paraissait vraiment bien pour acquérir rapidement des compétences variées. Et puis il s’est trouvé qu’il y avait une autre véto qui partait, du coup j’ai pris le poste d’imageur et j’ai vraiment développé une passion pour le scanner. L’imagerie c’était vraiment quelque chose qui me plaisait beaucoup, et quelque chose qu’on n’avait pas à l’école à l’époque parce qu’il y avait pas de scanner à l’ENVT. J’ai appris sur le tas et je trouvais que c’était vraiment une super expérience : le scanner, l’imagerie, voir à l’intérieur, c’était mon grand plaisir ! Finalement, ce début de carrière c’était une succession d’opportunités.

 

Donc justement dans cet exercice là tu avais dans cette structure l’imagerie qui te plaisait beaucoup, inversement est-ce qu’il y avait des choses qui pouvaient te déplaire dans l’imagerie ou dans le référé de manière générale ?

Alors dans cette grosse structure, on a fait énormément de choses, que j’aurais sûrement jamais faites ailleurs. Après, c’est aussi le problème de sortir de l’école, de pas avoir d’expérience (beaucoup), d’être jeune et de se retrouver face à des cas où on est le “dernier véto”, après nous, il n’y a plus personne et il faut avoir des idées. Je pense que c’était beaucoup de pression peut-être pour un premier poste. C’était le côté un peu lourd de la clinique de référé qui était plus difficile pour moi mais très intéressant.

 

Tu es restée à ce poste là pendant combien de temps ?

Ça je l’ai fait pendant entre 6 et 7 ans.

 

Et donc au bout de 6 ou 7 ans qu’est ce qui a fait que t’as décidé de changer de travail ? C’était quoi ton état d’esprit à ce moment-là ?

J’ai décidé de quitter l’entreprise parce que justement c’était une grosse pression. Beaucoup beaucoup d’animaux, de cas à gérer, beaucoup de cas vraiment lourds. Moi j’ai préféré mettre un peu le ola et partir sur une pratique plus généraliste, la première ligne, le véto qu’on voit quand on a une gastro, une “grattose” … Ça c’est un petit peu plus dans mon état d’esprit aujourd’hui, être plus près du propriétaire et de l’animal, gérer vraiment la première demande mais surtout avoir le temps, le temps de réfléchir, le temps d’écouter.

 

Et pour ça tu t’es tournée vers l’exercice à domicile !

Oui !

 

Justement est-ce que tu peux nous parler un peu de ce type d’exercice qu’on ne connait pas forcément beaucoup en sortant de l’école ? À quoi ça correspond, c’est quoi une journée type ? Décris-nous un petit peu l’exercice à domicile …

Alors l’exercice à domicile, c’est vraiment différent de ce qu’on peut faire en clinique dans la forme parce qu’on est à la maison, qu’on examine le kiki de Mme Michu sur la table de la cuisine ou le canapé. Mais aussi très similaire dans le fond parce qu’on explore et qu’on soigne de la même manière, ou presque. C’est vraiment tout aussi passionnant. Je suis le généraliste au même titre qu’on aurait un médecin de famille qui viendrait vous voir parce que vous avez une gastro ou une toux. On est vraiment le plus près du patient mais aussi du propriétaire. La discussion sur les soins à apporter est parfois plus facile et moins contrainte sans la pression du « décor médical ».

En plus, j’ai la chance de me sentir vraiment utile en me rendant parfois au chevet d’animaux qui ne verraient pas de véto si je n’y allais pas et ça, ça met du baume au cœur.

Moi une journée type ça va quand même se rapprocher de ce qu’on a en clinique, le temps en plus : pour chaque consult, j’ai entre 40 et 50min allouées à mon patient. Par exemple, Je vais avoir le matin de la « préventive », une castration de chat, des vaccinations, de la nutrition, puis on enchaine l’aprem sur de la dermato (beaucoup de dermato rires), de l’ophtalmo, une euthanasie, une consultation de 2nd avis en médecine interne etc. J’ai pas mal de matériel qui me permet de faire des choses à la maison comme on pourrait faire en clinique. On est juste limité dans nos actes techniques pour les examens plus importants (les échos, les radios …) et les chirurgies. Ça si on ne peut pas le faire, on réfère en clinique. Mais on peut vraiment faire de la médecine interne de qualité à la maison et ça j’insiste parce qu’on n’y pense pas mais avec un bon sens clinique et les analyses à notre dispo on peut faire pleins de choses.

Si tu peux peut-être expliquer en 2-3 lignes : de quel matériel tu disposes directement dans la voiture et comment vous faites pour les analyses ? (Comment ça se passe l’organisation pour la prise de rendez-vous, le standard telephonique etc !)

 

Pour la consult à la maison, j’ai une mallette qui contient tout le matériel qu’on a dans sa consult en clinique : stéthoscope, thermomètre, otoscope, lecteur de puce, matériel de prise de sang (avec les tubes de toutes les couleurs ! ), glucomètre, les pinces à épillets, tous les produits de nettoyage des oreilles/yeux, les dosettes pour examens ophtalmo. Elle contient aussi tous les injectables de base pour les soins immédiats. J’ai aussi ce qu’on a dans sa salle de préparation (ou son petit bloc) : l’indispensable tondeuse et de quoi nettoyer/désinfecter/suturer des plaies, faire des pansements, des cyto et des petites biopsies, castrer.

Dans la voiture, j’ai le reste du matériel : le frigo pour les vaccins et injectables au froid, la centrifugeuse, la lampe de wood, le microscope et un panel de médicaments pour délivrer le nécessaire. Avec tout ça, on en fait déjà pas mal !

Pour ce qui est des analyses, notre local technique dispose d’analyseurs biochimie/Numération Formule Sanguine. Pour les examens moins standards, on envoie les prélèvements au labo vétérinaire local qui nous fournit les résultats dans la journée ou le lendemain. On travaille rarement dans l’hyper urgent, ça, ça n’est pas de notre ressort.

Pour l’organisation générale des RDV, dans notre structure, 2 vétérinaires assurent en relai le standard téléphonique, le triage et l’organisation du planning pour les 5 à 6 vétos sur le terrain. Je ne reçois aucun appel direct de propriétaire. J’ai vraiment une qualité de travail où je ne suis pas dérangée par la sonnerie incessante du téléphone !

 Qu’est ce qui te plait et te déplait ou en tout cas qu’est ce qui pourrait te manquer dans ton exercice actuel ?

Globalement, je fais quand même beaucoup de choses que je faisais déjà en clinique mais maintenant à la maison. C’est ça qui est plaisant, une bonne médecine dans une ambiance en générale bien plus détendue qu’en clinique. On a même droit au café l’hiver et à quelques tomates l’été 😉

La seule chose qui me manquerait peut-être c’est le côté imagerie très poussée, diagnostic définitif, de certitude.

 

Au niveau plus “administratif” est ce que tu peux nous parler un peu plus de l’aspect contrat et rémunération ? Dans ton cas à toi en tous cas dans l’exercice à domicile ?

Dans ma structure, on est sur une collaboration libérale. Niveau rémunération, c’est un pourcentage des actes. En fonction de ce qu’on fait, on gagne plus ou moins bien sa vie. Donc l’avantage c’est que si on veut gagner plus on travaille plus, si on veut travailler moins, on sait à quoi s’attendre. Donc c’est un contrat qui est satisfaisant pour moi.

 

Est ce que tu te vois continuer cet exercice là, le fait de travailler à domicile pendant plusieurs années ou est ce que tu penses que tu auras envie d’autre chose ?

À l’heure actuelle, c’est une pratique qui me convient parfaitement. J’ai un nombre de patients sur la journée qui me permet de travailler mes cas à fond. J’aime beaucoup ce que je fais donc je pense continuer encore plusieurs années à faire ce travail car ça me va très bien !

 

Il faut savoir que Laure n’apprécie pas spécialement la chirurgie voire n’en faisait pas du tout, même lorsqu’elle était en clinique …

Tout à fait !

Certains jeunes sont un peu stressés à l’idée de ne pas être autonomes ou de pas être attirés par la chirurgie, quel est ton sentiment là-dessus ?

C’est pas grave ! Quand on discute avec des vétos, on se rend compte qu’il y a quand même un certain nombre de vétos qui n’aiment pas la chirurgie ou du moins ne se sentent pas à l’aise, même des « vieux vétos » ^^. Ils en font parce qu’en clinique, il y a pas tellement le choix et “quand faut y aller, faut y aller” comme on dit. A mon sens, il faut décomplexer ! Certains sont plus passionnés, plus doués pour ça que moi et je leur laisse avec plaisir ! J’ai d’autres domaines de compétences, pour lesquels ils n’ont peut-être pas d’intérêt de leur côté. On n’est pas obligé d’être chirurgien pour être un bon véto, chacun doit trouver la forme d’exercice qui lui convient. Moi à domicile, l’avantage c’est que je fais des “chirurgies” à ma mesure donc des sutures, des abcès, des extractions dentaires, quelques petits gestes techniques sous anesthésie. Ca me suffit et ça me convient parfaitement.

 

Penses-tu qu’un tel exercice puisse correspondre à un jeune vétérinaire sortant de l’école ? Quelles sont les attentes pour un poste comme ça, est ce que ça peut correspondre à un premier poste ?

En sortant de l’école, à moins d’avoir fait énormément de stages ou d’avoir déjà fait beaucoup de remplacements, je pense que c’est un petit peu difficile de débuter tout seul à domicile parce qu’on n’a pas l’aide de l’assistant pour la contention par exemple ou l’aide bienveillante d’un « véto senior » plus expérimenté pour un cas difficile. On est vraiment tout seul face à l’animal et au propriétaire. Je pense qu’une année d’expérience en structure sédentaire est quand même bienvenue. Après c’est quand même faisable de débuter à domicile, j’ai d’ailleurs une collègue dans ma structure qui a commencé directement sans avoir pratiqué ailleurs qu’à domicile et qui s’en sort très très bien. Il faut quand même avoir de la débrouille, et pas mal d’assurance je pense.

 

Comment gérez vous l’accueil d’un nouveau vétérinaire dans l’équipe sans le cadre d’une structure physique ? Quelles sont les choses mises en place pour garder ce travail en commun et cet esprit d’équipe ?

Je pense qu’on gère bien ! Malgré le fait qu’on ne se voit pas, on a un système de messagerie instantanée où l’on est en contact avec les collègues, même toute la journée de boulot, si on a besoin d’un coup de main sur un cas ou une gestion client. Le nouvel arrivant est immergé dans ce système un peu avant son arrivée pour se mettre dans le bain et prendre ses marques. Et puis, on fait régulièrement des afterworks. Une fois tous les mois, voire tous les deux mois dans les périodes où l’on travaille plus, on arrive à se faire un afterwork ou un repas où l’on discute tous ensembles, pas forcément des cas, juste de nos vies perso, on échange. En plus de ça, deux fois par an à l’heure actuelle, on organise des journées Team Building : on se prépare de petites formations sur des sujets véto en fonction des domaines de prédilection de chacun pour enrichir la pratique de tous. Ca dure environ 2 heures et le reste de la journée est consacré à des activités plus ludiques, sportives ou de découverte. La prochaine, par exemple, on va aller visiter une réserve animale l’après-midi. Ces journées nous soudent, renforcent les liens d’équipe entre nous.

 

Pour revenir sur l’aspect jeune vétérinaire qui arrive… Je parle de manière générale et pas du tout dans ton équipe perso, dans la vie véto actuellement que penses-tu du clivage qu’on peut voir entre “jeunes” et “vieux” vétérinaires ?

C’est pas toujours évident (rires). Parce que le vieux véto, il a parfois ses techniques qui n’ont pas évolué depuis qu’ils sont sortis … Donc ils ont leur techniques de pratos comme on l’a déjà entendu. Mais qui marchent. Et puis, nous on amène le rajeunissement des connaissances scientifiques donc je pense que c’est intéressant de travailler ensembles pour avoir ce qui fonctionne sur le terrain et puis les nouveautés. Ça permet d’apporter à tout le monde, ça enrichit tout le monde. Il faut juste être capable de travailler en bonne intelligence et que personne ne se braque…

 

Oui il y a une certaine complémentarité dans les pratiques des uns et des autres ?

Oui, moi c’est comme ça que je le ressens…

 

Si tu avais un dernier conseil à donner à tous les jeunes vétos et futurs vétos qui vont nous lire ou nous écouter ?

C’est pas évident ça … Je pense qu’il faut essayer de se rapprocher dans son équipe. De trouver des gens avec qui la communication passe bien pour pouvoir discuter aussi bien des cas que de son état d’esprit parce que quand on sort (de l’école ndlr) on est des fois largué.e, on « pleure le soir » … Et puis, quand on a un.e collègue sympa avec qui on s’entend bien, ça permet de décompresser aussi, je pense que c’est aussi bien d’avoir des relations avec ses collègues.

Et n’oubliez pas de faire du sport ! (rires)

 

 

Merci Laure !

 

Si vous avez d’autres questions pour Laure, n’hésitez pas à les poser dans les commentaires. Nous ferons éventuellement une seconde interview avec vos questions si nécessaire.

 

 

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