Biopsies digestives chez le chien et le chat : Quand ? Comment ? Pourquoi ?

La réalisation de biopsies digestives est, par définition, un acte invasif nécessitant, chez l’animal, une anesthésie générale. 

Bon … d’emblée, ça plombe un peu l’ambiance … invasif, anesthésie générale, prix … autant d’arguments qui peuvent décourager voire effrayer un jeune vétérinaire mais aussi un propriétaire. Et pourtant … même s’il ne s’agit pas d’un examen de routine, les biopsies digestives font partie intégrante de nombreuses démarches et permettent, le plus souvent, d’obtenir un diagnostic de certitude.

Ensemble, nous allons décortiquer le pourquoi, le quand et le comment de cet examen !

Les biopsies digestives chez le chien et le chat : quand y penser ?

La réalisation de biopsies digestives est un acte invasif, nécessitant une anesthésie générale chez l’animal. Ainsi, cet examen est proposé à la suite d’autres investigations : analyses hématologiques et biochimiques, radiographies abdominales, échographie abdominale, coproscopie, bilan d’absorption …

Elles s’intègrent dans une démarche diagnostique raisonnée dans de nombreux contextes cliniques : 

  • Diarrhée chronique du grêle : dans ce cas, les causes extra-digestives doivent avoir été exclues. Les biopsies digestives arrivent généralement après une coproscopie, un bilan d’absorption, une échographie abdominale et/ou un échec thérapeutique (anti-parasitaires, changements alimentaires, antibiothérapie surtout chez le chien). 
  • Diarrhée chronique du côlon, hématochézie, ténesme : dans ce cas, les biopsies sont recommandées après des recherches coproscopiques et/ou un échec thérapeutique (antiparasitaires, changements alimentaires). 
  • Vomissements chroniques : en général, les biopsies digestives sont proposées après exclusion des causes extra-digestives et réalisation d’examens d’imagerie. 
  • Perte de poids : les biopsies s’inscrivent dans une démarche raisonnée et ordonnée dans un contexte de perte de poids. Elles interviennent après des examens sanguins, coproscopiques et d’imagerie complets. 
  • Suspicion de phénomènes néoplasiques du grêle ou du côlon : en général, cette suspicion a été émise à la suite d’une palpation abdominale anormale ou d’un examen d’imagerie (radiographie ou échographie le plus souvent) anormal. Les biopsies constituent l’examen de choix dans la suite de la démarche. 
  • Panhypoprotéinémie après exclusion des causes hépatiques et rénales : dans ce cas, les biopsies permettent la recherche d’entéropathies exsudatives notamment.

Les biopsies digestives chez le chien et le chat : comment les réaliser ? 

Vous vous orientez vers des biopsies digestives dans la suite de votre démarche diagnostique : très bien ! Et maintenant concrètement comment fait-on ? 

Il existe plusieurs modalités de réalisation des biopsies. Par endoscopie, par laparotomie, par laparoscopie … Elles présentent chacune leurs spécificités et ne sont pas adaptées à toutes les situations. 

Ainsi nous vous proposons de voir ensemble, pour les principales méthodes, leurs principes et leur mise en œuvre. Nous reviendrons ensuite sur les intérêts et les limites de chacunes d’entre elles afin de savoir choisir LA méthode de prélèvement idéale sur un cas clinique donné. 

Les prélèvements par endoscopie 

L’endoscopie par voie haute : la gastro-duodénoscopie

L’endoscopie par voie haute, via la cavité buccale, permet d’observer l’œsophage, l’estomac et la totalité du duodénum descendant chez tous les chiens et chats adultes, lorsque le matériel utilisé est adapté. 

Pour la préparation, l’animal doit être mis à jeun 12 à 18 heures avant l’examen. Aucun traitement “topique” type sucralfate ou phosphate d’aluminium, susceptible de tapisser la muqueuse gastrique, ne doit avoir été administré dans les dernières 12 à 24 heures. 

L’animal est prémédiqué, induit puis intubé et placé en décubitus latéral gauche. Le fibroscope est introduit via la cavité buccale, guidé jusque dans l’œsophage puis poussé doucement, sans forcer le long du tube digestif. 

Après inspection de l’œsophage, le passage du cardia nécessite généralement une pression modérée. De l’air est insufflé afin d’effacer les plis gastriques. La sonde est dirigée en direction de l’antre pylorique. Parfois, pour franchir le pylore, un mouvement de rotation sur la droite est nécessaire. La portion proximale de l’intestin grêle est inspectée. Au retour dans l’estomac, une rétroversion de l’endoscope est réalisée afin de visualiser la face interne du cardia. 

L’examen endoscopique par voie haute permet l’inspection des surfaces muqueuses à chaque “étage” traversé. De plus, des prélèvements sont réalisés sur chaque portion, et ce, même en cas d’aspect macroscopique normal.

 

L’endoscopie par voie basse : la coloscopie ou colo-iléoscopie

L’endoscopie par voie basse permet de visualiser le côlon et, chez certains patients, une portion distale de l’intestin grêle. 

La préparation de l’animal pour l’endoscopie voie basse est beaucoup plus contraignante que la précédente…

Ce dernier doit recevoir un régime sans résidus dans les trois à quatre jours précédant l’examen (viande blanche cuite uniquement, sans féculent, sans matière grasse, sans légume… Le kiffe ultime quoi !). La veille, l’animal est mis à jeun et reçoit un laxatif osmotique par voie orale (Colopeg®, 1 sachet dilué dans un litre d’eau pour un chien de 20kg environ, à administrer par voie orale en fractionné sur la journée). Parfois, cette préparation nécessite une hospitalisation car elle peut être très contraignante à mettre en place pour le propriétaire… (C’est clairement pas très sympa à donner, ça fait vite de gros volumes et la diarrhée associée peut être compliquée à gérer à la maison). 

L’animal est prémédiqué, induit puis intubé et placé en décubitus latéral gauche. Le fibroscope est introduit par l’anus et guidé souplement, sans forcer. La muqueuse colique est observée et des biopsies sont réalisées, même si l’aspect macroscopique est normal. La valvule iléo-caecale chez le chien et la papille iléale chez le chat peuvent être identifiées et doivent être cathétérisées lorsque cela est possible. Chez le chien, on estime que le fibroscope peut progresser vers l’intestin grêle distal si l’animal pèse plus de 15kg environ. 

Quelque soit la voie utilisée, les biopsies sont réalisées à l’aide de pinces à biopsies manipulées par une seconde personne. La pince est introduite via le canal opérateur du fibroscope. L’opérateur avance la pince en position fermée jusqu’au site de prélèvement. La seconde personne ouvre la pince puis la referme une fois que l’opérateur l’a poussée contre la zone à biopsier. L’opérateur retire la pince de manière franche. La seconde personne maintient la pince fermée durant tout ce temps jusqu’à la récupération du fragment biopsié. Un nombre minimal de prélèvements doit être réalisé, même si l’aspect macroscopique du tube digestif est normal. On estime qu’il faut au moins 8 biopsies pour une voie haute par exemple.

Les biopsies chirurgicales 

Les biopsies digestives peuvent également être réalisées par voie chirurgicale, par laparotomie ou par laparoscopie. 

Biopsies digestives par laparotomie

L’animal est mis à jeun au moins 12 heures avant l’intervention. Après une pré-médication, il est induit puis intubé et placé en décubitus dorsal. L’abdomen est largement tondu et la zone opératoire est nettoyée chirurgicalement. 

Une laparotomie médiane est réalisée. La taille de l’incision varie selon les segments digestifs à prélever. Une première inspection de la cavité abdominale est réalisée : les anses digestives peuvent être palpées délicatement pour en apprécier la texture et mettre éventuellement en évidence certaines modifications.

Le segment à prélever est extériorisé hors de la cavité abdominale. Il est isolé à l’aide de compresses. Le contenu intestinal est chassé crânialement et caudalement par palpation externe (l’anse est délicatement pincée entre deux doigts et le contenu chassé). Une occlusion temporaire est ensuite réalisée (par la personne seconde main et ses p’tits doigts ou à l’aide de pinces de Doyen). 

Plusieurs méthodes de prélèvement sont ensuite décrites : 

  • L’opérateur peut utiliser un bistouri à lame froide et réaliser une incision en côte de melon sur la zone à prélever. L’incision traverse la totalité de la paroi intestinale. Afin de faciliter le prélèvement, l’opérateur peut utiliser un fil monobrin sur une aiguille ronde. Le fil est mis en place sur la zone à prélever et permet de mettre en tension la paroi intestinale lors de son incision.
  • L’opérateur peut utiliser un biopsy punch de 2 à 8 mm de diamètre. Il le positionne sur le bord anti-mésentérique, bien à plat, et réalise des mouvements circulaires avec une légère pression. La pièce est ensuite retirée à l’aide d’une pince et d’un bistouri à lame froide afin de détacher les possibles adhérences résiduelles.

    Le prélèvement recueilli est délicatement placé dans un pot de formol. 

    Un rinçage du site est réalisé et la paroi est suturée au monobrin résorbable sur aiguille ronde. L’opérateur peut réaliser des points séparés ou un surjet. Les points doivent impérativement passer par la sous-muqueuse. L’étanchéité des sutures peut être vérifiée par injection de NaCl 0,9% à l’aide d’une aiguille orange, juste en amont de la zone incisée. 

    Une fois tous les prélèvements réalisés, on repasse en temps aseptique. Les anses intestinales sont réintégrées dans la cavité abdominale et omentalisées. La paroi abdominale est suturée classiquement plan par plan. 

     

    Biopsies digestives par laparoscopie

    Tout comme pour la laparotomie, l’animal est mis à jeun au moins 12 heures avant l’intervention. Après une pré-médication, il est induit puis intubé et placé en décubitus dorsal. L’abdomen est largement tondu et la zone opératoire est nettoyée chirurgicalement.

    Une première ponction est réalisée, généralement, en région ombilicale, à l’aide d’une aiguille de Veress. Le geste doit être ferme mais précis afin de ne pas léser d’organe sous-jacent. L’aiguille permet secondairement de pousser un embout mousse afin de protéger la pointe. La cavité abdominale est ensuite dilatée par insufflation de gaz (CO2), via cette ponction. Cette étape permet d’écarter la paroi abdominale des organes internes afin de donner plus de visibilité et plus d’espace de manœuvre au chirurgien. 

    Un premier trocart est mis en place : il servira à l’insertion de la caméra. Pour cela, le chirurgien réalise une ponction au bistouri de la peau et des fascias abdominaux. Le trocart est poussé et le passage du péritoine émet un son caractéristique. Finalement, le trocart peut être retiré de la canule et l’optique y est inséré.

    La mise en place des instruments se fait ensuite avec la même méthode, sous contrôle interne grâce à la caméra déjà installée. Le plus souvent, deux à trois autres voies d’abord sont nécessaires. Elles permettent l’insertion d’une pince à biopsie et d’instruments pour récliner ou maintenir les organes. 

    Comme lors d’une laparotomie, la cavité abdominale est inspectée avant tout prélèvement. Le segment à prélever est repéré puis l’anse est extériorisée hors de la cavité abdominale. Pour cela, le point d’entrée d’une des canules est agrandi. Les biopsies sont ensuite réalisées de la même manière qu’en laparotomie. Après chaque prélèvement, le segment est rincé puis réintroduit partiellement dans la cavité abdominale. 

    Au bilan, la laparoscopie permet de réaliser les biopsies intestinales avec des incisions réduites en taille grâce au repérage assisté par vidéo. En revanche, le prélèvement en lui-même se réalise de la même manière, avec une anse extériorisée de l’abdomen.

    Comparaison des techniques : intérêts et limites 

    Endoscopie Chirurgie
    Accessibilité Nécessité de matériel spécifique et opérateur formé Pas de matériel spécifique, chirurgie “classique” type entérotomie (sauf pour la laparoscopie bien sûr)
    Prélèvements estomac-intestin grêle

    Ne permet pas de prélever toute l’épaisseur de la paroi (sous-muqueuse inatteignable)

    Ne permet pas d’accéder au jéjunum et parfois à l’iléon

    Prélèvement de toute l’épaisseur de la paroi, tous les segments du grêle peuvent être prélevés
    Prélèvements côlon Possible par coloscopie  Contre-indiqué : mauvaise cicatrisation, risque septique important
    Visualisation Permet l’évaluation macroscopique de l’aspect de la muqueuse  Permet la visualisation d’autres organes et la réalisation de biopsies diverses. A privilégier lors de suspicion d’atteinte multi-organique.
    Risques Peu invasif, temps anesthésique réduit, peu de complications Invasif, temps anesthésique plus long, complications possibles liées à l’étanchéité des sutures principalement (risque septique). 

    Remarque :

    Chez le chat, des études ont montré l’insuffisance des biopsies par endoscopie dans le cadre de différentiation entre un lymphome digestif et une MICI. Ceci viendrait principalement de la nécessité de réaliser des prélèvements de l’épaisseur entière de la paroi, dans le jéjunum et l’iléon, ce qui est quasi systématiquement non réalisable en endoscopie.

    Les biopsies digestives chez le chien et le chat : pourquoi ?

    L’analyse histologique ! 

    Les prélèvements réalisés sont disposés dans un fixateur afin d’empêcher la dégradation enzymatique du tissu. De manière classique, les biopsies sont mises dans des pots de formol 10%. L’opérateur remplit une fiche de renseignement et expédie ses prélèvements au laboratoire. 

    L’histologie permet dans la plupart des cas d’obtenir un diagnostic de certitude lors de suspicions cliniques évocatrices (lymphome intestinal, maladie inflammatoire chronique, entéropathie exsudative …). En revanche, parfois, l’histologie seule ne permet pas de trancher et des marquages peuvent être nécessaires (marquages cytochimiques, immunomarquages) pouvant rallonger le délai de réponse.

    Miroir …

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    Bibliographie

     

    Meynaud-Collard P. Biopsies de l’intestin, Le point Vétérinaire n°378, 01/09/2017, https://www.lepointveterinaire.fr/publications/le-point-veterinaire/article-canin/n-378/biopsies-de-l-intestin.htm   

    Freiche V. Endoscopie du tractus digestif des carnivores domestiques. Encyclopédie Vétérinaire (Elsevier SAS, Paris), Imagerie médicale, 3400, 2006, 15 p.              

    Evans SE, Bonczynski JJ, Broussard JD, Han E, Baer KE. Comparison of endoscopic and full-thickness biopsy specimens for diagnosis of inflammatory bowel disease and alimentary tract lymphoma in cats. J Am Vet Med Assoc. 2006;229:1447-50

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    Boiron L. thèse vétérinaire 2008, Méthode diagnostique des tumeurs de l’intestin grêle chez le chien.

    Clinique de référé VetRef, fiche pratique la fibroscopie : https://vetref.fr/fiches/fiches-pratiques/la-fibroscopie-digestive/

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