Témoignage d’une journée d’étudiante véto

Et oui, chose promise chose due ! Pour les prochains 24h chrono, c’est vous les héros 😉 Ici c’est une étudiante vétérinaire qui nous a envoyé une garde aux cliniques de son école : pour la suivre pendant plus de 24h  … C’est par ici !

Comme vous le savez cette section a pour intérêt de vous présenter le métier et les études tels qu’ils sont, sans artifices. Alors oui des fois ce sont des anecdotes ou des chatons mignons, mais malheureusement ce boulot c’est aussi la maladie et la mort, et quelque soit le moment du cursus où l’on y est confronté, c’est toujours un moment difficile.

La lecture de ce témoignage peut être éprouvante, nous préférons prévenir nos lecteurs.

Aujourd’hui c’est dimanche mais pas de repos pour moi, je suis en garde aux cliniques de l’école.

8h30 : J’arrive aux hôpitaux en même temps que le 4A de relai et je retrouve mes 2 collègues de nuit. Les soins de 8h viennent d’être fait. On discute rapidement des animaux hospitalisés :

  • Un golden de 9 ans dans la salle contagieux, parvovirose, arrivée la veille au soir
  • Un chat de 13 ans en chimiothérapie pour lymphome
  • Un autre chat (oups ma mémoire me joue un tour, impossible de me rappeler de sa pathologie)
  • Un Saint-Hubert assez jeune (4-5 ans) qui s’était blessé à la chasse en post-opératoire de fracture ouverte. Il était déjà là à ma garde d’il y a 4 jours. J’avais même fini par dormir dans son box avec lui car il aboyait beaucoup de stress et ça l’avait bien calmé.

Quatre animaux, ça à l’air calme. On laisse nos collègues repartir faire leur nuit et on parle un peu avec le 4A. Mon collègue 4A a un jeune chien alors je me propose d’être de conta pour les soins aujourd’hui. Certes son chien est vacciné mais quand même ça fait toujours peur….

Là le téléphone sonne, c’est les urgences. L’AH du service me dit que les propriétaires veulent voir le chien, ils vont l’euthanasier alors je dois vérifier que tout est propre pour les accueillir. J’entre dans le sas et je me mets en tenue de cosmonaute comme on dit : combinaison, surchaussure, charlotte, gants et nouveau masque. Ça y est je suis parée, allons voir ce loulou ! Il est dans le box du fond, tout abattu. Je lui fais un examen clinique rapide, et le remet en décubitus sternal. Il ne réagit même pas.

Quelques minutes après l’AH d’urgence ouvre la porte du sas

– « Ça va il est présentable ?

– Oui c’est bon.

–  Ok je fais venir les propriétaires. »

AH : Assistant Hospitalier (docteur vétérinaire diplômé encadrant les étudiants dans les différentes rotations, aussi appelé CC pour Chargé de Consultation).

Les propriétaires arrivent, se mettent en tenue et viennent dire au revoir. La queue du chien commence à battre en les voyant mais s’est trop dur pour lui de se lever. L’un pleure beaucoup, l’autre ne montre pas trop ses émotions. Je m’éloigne un peu pour leur laisser un peu d’intimité. Un peu après, ils repartent, ils ne veulent pas rester pour la procédure. L’AH réapparait à la porte :

– « Tu es en tenue, ça te dérange de faire l’euthanasie ? ».

Ah je ne m’attendais pas à ça en me levant ce matin, ce sera ma première toute seule … Je stresse mais je dis oui, il faut bien se lancer. Le temps qu’elle aille chercher les seringues, je me remémore la procédure technique. Le cathéter est déjà posé, c’est déjà ça. La 1ère seringue pour l’endormir, la 2ème pour le faire partir et ausculter son cœur pour vérifier que c’est bien fini. L’AH vient me donner les seringues, ça y est c’est à moi de bosser : courage Sylvia ! Ne lui fais pas sentir ton stress, reste calme et il le sera aussi. J’injecte la 1ere seringue, tout en lui caressant la tête. Sa respiration se fait de plus en plus lente, comme s’il s’endormait mais cette fois-ci pour son dernier voyage. J’attends 10 minutes pour injecter la deuxième par conscience professionnelle parce qu’en vrai je pense qu’il est déjà parti sous l’effet de la première seringue. J’ausculte alors et rien. Je m’y attendais mais ça fait quand même bizarre d’utiliser son stéthoscope et de ne rien entendre pour une fois … Je reste là un moment, peut être 5 ou peut être 20 min je ne sais pas. Je le caresse pendant ce temps où mes pensées vagabondent. Je ne pleure pas mais je suis triste, triste parce que ce loulou est parti seul sans « ses parents ». Je comprends tout à fait qu’on ne puisse pas y assister mais ça me rend triste pour lui. Puis je me dis que non il n’était pas seul. Je suis là moi, et même si je ne le connaissais pas, j’ai essayé de faire de mon mieux pour qu’il parte dans le respect et le calme. Je lui ferme les yeux en guise d’aurevoir. Viens alors la mise en sac mortuaire. Compliqué, c’est quand même un gros chien mais après plusieurs minutes c’est bon, c’est fait … Maintenant il faut nettoyer, au moins le minimum puisque les sphincters du chien se sont relâchés pendant la procédure. Quand c’est fini, je lance un dernier regard et je sors, j’aurais besoin d’aide pour le transporter jusqu’à la chambre froide en attendant sa récupération par le service d’incinération. Mais on est deux et il y a un autre chien non contagieux qui nécessite des soins dans la journée. Aux urgences, ils ne peuvent pas venir nous aider c’est la course, les consultations s’enchainent sans répit pour les étudiants de garde. Avec mon collègue on convient alors qu’on l’emmènera lors de la relève pour ne pas prendre de risque pour le chien encore hospitalisé. Il est déjà 12h mais je n’ai pas faim. Le reste de la journée se passe sans trop de soucis.

18H sonne et la 4A de relève arrive. On se rhabille en tenue de conta et on s’occupe alors du corps avec le 4A de jour qui part ensuite rentrer chez lui. Pour moi ce n’est pas fini, je suis de garde pour 24h. Vers 20h, l’appétit revient et on mange devant un épisode de série avec ma collègue 4A.

22h30 : les urgences appellent… Deux chatons avec suspicion contagieux pour typhus ne devraient pas tarder à arriver. On se regarde avec la 4A, on a toutes les deux des chats. Autant continuer ma journée en conta alors je me propose pour les soins. Ils arrivent rapidement, et rebelotte je me remet en tenue, on fait l’examen clinique avec la 5A de garde aux urgences. Le petit mâle est très abattu mais la femelle a l’air d’aller bien. On fait les tests rapides : positif pour le typhus. S’en suit alors les multiples tentatives de pose de cathéter, prises de sang et réalisation des soins sur des crevettes de même pas 500g. On a peu d’espoir mais on espère quand même. Quand on ressort du local contagieux, il est 2h du matin. Ma collègue a fait tous les soins des autres animaux et on va se coucher. Dans deux heures, il faut se lever pour les soins de 4h.

4h : le réveil sonne. Je me remets en tenue et vais voir les chatons. Ils sont là collés l’un à l’autre contre le souffle chaud du warm touch … mais ils sont déjà froids. Je suis triste, Toutes ces heures passées avec eux pour ne pas réussir. Au moins ils sont partis ensemble… Je coupe le warm touch et met les corps des chatons en sac pour vider et nettoyer la cage pour la 2ème fois de la journée, comme un air de déjà vue… Je retourne alors me coucher mais mes pensées errent longtemps avant d’enfin trouver le sommeil.

8h : le réveil sonne. Je rassemble mes affaires et soutient la 4A pendant la réalisation des soins des 3 animaux que je ne peux pas aider, étant en contagieux chiens et chat. A 8h30 la relève arrive et l’AH des hôpitaux aussi. On la tient au courant sur les animaux du week-end et elle nous libère.

9h : j’arrive chez moi. J’ouvre la porte et mon chat arrive en courant. J’aimerais le prendre directement et le câliner pour me réconforter mais mon inconscient me dit « non, d’abord à la douche, on ne sait jamais, on ne veut rien lui refiler ». Alors j’y vais, je donne sa pâté du matin à mon chat, je mets mes affaires de garde à laver et je me faufile sous la couette. 2 min après mon chat vient et se blottit contre mes cuisses pour dormir. Il ne fait pas ça souvent, il doit ressentir que j’en ai besoin.

9h30 : Enfin la « journée » est terminée.

Signée : Sylvia, étudiante en 5ème année vétérinaire.

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