L’analyse d’urine en 4 étapes !

L’analyse d’urine fait partie des examens de première intention, simples, rapides et peu coûteux, dont dispose le vétérinaire praticien. C’est aussi  un examen très complet et il ne faut pas seulement y penser en cas de signes d’atteinte du bas appareil urinaire.

Au cours de nos études, on apprend petit à petit la pratique et la théorie de l’analyse d’urine : du prélèvement (oui avoue, toi aussi tu te souviens avoir suivi Médor avec ta barquette en plastique et tes gants en attendant qu’il lève la patte, partout autour de l’école), jusqu’à l’interprétation des résultats.  

Pourtant, dans la pratique, on oublie très vite, la mine d’informations que peut être cet examen. On se contente de faire une bandelette par manque de temps ou bien on voit quelque chose, mais on ne sait plus trop ce que ça veut dire …

Bref, une petite (re)-mise au point s’impose 🙂

Etape 1 : Le prélèvement et sa conservation

 

Quand réaliser une analyse d’urine en première intention ?

 

L’analyse d’urine est un des examens les plus simples à mettre en place. Mais alors concrètement, quand faut-il y avoir recours ? 

  • Évidemment lorsque l’on suspecte une atteinte vésicale ou rénale : lors de signes d’atteinte du bas appareil urinaire (dysurie, strangurie, pollakiurie, hématurie, oligurie  par exemple), de déshydratation ou d’azotémie … 
  • En cas d’hyperthermie,  à la recherche d’un foyer inflammatoire ou infectieux, de signes de néphropathies ou d’hémolyse.
  • En cas de suspicion de polyuro polydipsie (ou de PuPD avérée)
  • Dans les suivis thérapeutiques (suivi d’infection urinaire par exemple) ou de pathologies chroniques (suivi de maladie rénale chronique par exemple)

Les urines peuvent être prélevées à n’importe quel moment de la journée. Toutefois, il faut garder à l’esprit qu’une analyse d’urine à un instant T n’est pas parfaitement représentative de la production d’urine sur 24 heures. Ainsi, le praticien peut être amené à répéter l’analyse.  

Comment recueillir l’urine ?

Plusieurs méthodes sont possibles pour collecter le Saint Graal…

  • La miction spontanée : c’est non invasif mais le risque de contamination est important (les mains sur la barquette, les poils, le fourreau ou la vulve …). L’idéal est de ne pas recueillir le premier jet d’urine et d’être ensuite le plus “stérile” possible dans les manipulations. 

  • Le sondage : c’est possible sans sédation sur les chiens mâles mais il est également difficile d’être totalement stérile. Concrètement, le chien peut être placé en décubitus dorsal, latéral ou bien rester debout. L’extrémité du fourreau est nettoyée (une tonte peut être réalisée si nécessaire, suivie d’un “scrub”). Un lubrifiant est appliqué sur le bout de la sonde urinaire. Le pénis est extériorisé et maintenu d’une main. À l’aide de l’autre main, la sonde urinaire est introduite et poussée délicatement jusqu’à l’obtention d’urine. Les urines sont collectées directement dans un tube ou à l’aide d’une seringue branchée à l’extrémité de la sonde.
  • La cystocentèse : c’est invasif mais stérile ! C’est donc la méthode de choix en cas de suspicion d’infection du tractus urinaire. Elle permet éventuellement de vérifier l’aspect des voies urinaires par échographie par la même occasion ! Dans la plupart des cas, la cystocentèse se réalise sur animal vigile, en décubitus dorsal ou debout selon les habitudes de l’opérateur. La zone de l’abdomen caudal peut être légèrement tondue. La sonde échographique est positionnée avec le repère en direction de la tête de l’animal afin d’obtenir une coupe longitudinale de la vessie. Cette dernière est placée bien au centre de l’image. L’aiguille, montée sur une seringue, est introduite juste crânialement à la sonde avec un angle d’environ 45°C. L’échographie permet de suivre le trajet de l’aiguille, dès lors qu’elle est visible dans la lumière vésicale, l’urine est aspirée doucement. 

Il est recommandé de conserver les urines, sur tube sec, au réfrigérateur si elles ne sont pas analysées dans les 30 minutes (attention toutefois, des cristaux néoformés peuvent apparaître).

C’est bon, vous avez vos tubes d’urine ? Alors c’est parti pour l’analyse !

Etape 2 : Les tests physiques

 

L’aspect macroscopique du prélèvement

Bon alors oui c’est bateau mais on commence déjà par évaluer l’aspect macroscopique, à savoir : 

  • La couleur : jaune / rosé / orange / brun
  • La turbidité : trouble / limpide / clair
  • La viscosité

    La densité urinaire

    La mesure de la densité urinaire est une étape essentielle de l’analyse d’urine. Toutefois, sa valeur varie, même chez des animaux sains, au cours d’une journée. Son interprétation ne doit donc pas se faire de manière isolée mais bien avec le reste de l’analyse d’urine et dans un contexte clinique (notamment en évaluant l’état d’hydratation de l’animal). En cas de besoin, la mesure peut être renouvelée pour augmenter sa précision. 

    La mesure est réalisée au réfractomètre : 

    • La densité urinaire moyenne chez le  chien se situe entre 1,015 et 1,045
    • La densité urinaire moyenne chez  le chat se situe entre 1,035 et 1,060

    Un peu de vocabulaire …

    On parle d’urines isothénuriques lorsque leur densité est la même que celle de l’ultrafiltrat glomérulaire, à savoir entre 1,008 et 1,012. Ces valeurs peuvent donc être retrouvées chez des animaux sains. Toutefois, dans un contexte de déshydratation ou d’azotémie, de telles valeurs peuvent être compatibles avec une insuffisance rénale. 

    On parle d’urines hyposthénuriques (urines diluées pour les intimes 😉 ) lorsque la densité urinaire est inférieure à 1,008. De telles valeurs peuvent être retrouvées lors de potomanie, de diabète insipide d’origine central ou néphrogénique, d’un pyomètre, d’hyperadrénocorticisme, d’hypercalcémie, d’insuffisance hépatique ou encore lors de la prise d’un traitement diurétique. 

    On parle d’urines hypersthénuriques (urines modérément concentrées ou concentrées) lorsque la densité urinaire est supérieure à 1,013. C’est le cas chez la plupart des animaux sains. Ces valeurs peuvent traduire une fonction rénale suffisante. Toutefois, en cas d’urines modérément concentrées (< 1,029 chez le chien et < 1,034 chez le chat), un déficit rénal partiel ou débutant ne peut pas être exclu. L’interprétation doit se faire en fonction du contexte clinique et sur des mesures répétées. Pour des urines concentrées (> 1,030 chez le chien et > 1,035 chez le chat), l’insuffisance rénale peut-être, le plus souvent, exclue. Ces valeurs peuvent être le signe d’une hypovolémie, d’une déshydratation ou d’une insuffisance cardiaque à l’origine d’une baisse de perfusion rénale.

    Etape 3 : Les tests chimiques

     

    La bandelette urinaire

     

     

    SG : Cette plage ne s’interprète pas chez les animaux (si vous avez bien suivi, la densité à été mesurée au réfractomètre juste avant 😉 )

    pH : Généralement modérément acide chez les carnivores domestiques (5,5-7,5). Une alcalinisation peut être le signe d’une infection du tractus urinaire par une bactérie productrice d’uréase. 

    Leucocytes : Cette plage est très sensible chez le chien (>90%) mais non interprétable chez le chat ! 

    Nitrites : Assez peu fiable. Si cette plage est positive, on peut suspecter une infection bactérienne. A l’inverse, l’absence de nitrites ne permet pas d’exclure une infection. 

    Protéines : La bandelette détecte mieux l’albumine que les globulines. Attention à tous les risques de faux positifs dus à une limite de détection très basse et à de faux positifs sur des urines alcalines (8 ou plus)…

    Glucose : Sa présence est toujours anormale. Elle peut être due à une hyperglycémie (stress, diabète sucré) ou à des dommages tubulaires. 

    Corps cétoniques : L’acide acéto-acétique (produit de dégradation des acides gras) est principalement détecté par cette plage. Ce peut être le cas lors d’acido-cétose.  

    Urobilinogène : Pas d’intérêt chez les carnivores domestiques. 

    Bilirubine : Chez le chien, une croix de bilirubine n’est pas significative (seuil rénal bas, sa présence peut être physiologique). Chez le chat, c’est pathologique et elle précède l’apparition d’un ictère clinique (seuil rénal haut).

    Sang : La bandelette est très sensible.  L’hémoglobinurie (hémolyse), la myoglobinurie (affection musculaire) et l’hématurie (saignement urinaire ou trouble de la coagulation) réagissent de la même manière.

    Le test de Heller

    La spécificité du dépistage de la protéinurie peut être augmentée par la réalisation d’un test rapide afin d’écarter un certain nombre de faux positifs à la bandelette urinaire.  

    Pour réaliser le test de Heller, quelques millilitres d’acide nitrique sont placés dans un tube. En penchant le tube légèrement on ajoute le long de la paroi une quantité équivalente d’urine. L’acide va provoquer la précipitation des protéines : en cas de protéinurie un anneau blanc se forme à l’interface entre les deux liquides.

    L’opérateur peut avoir confiance dans le résultat du test dès lors que le disque formé est supérieur ou égal à 2 mm. 

    Ce test reste en revanche peu sensible et présente de nombreux faux négatifs. Ainsi, il ne doit pas être réalisé de manière isolée mais bien secondairement à la bandelette urinaire. 

     

    Bandelette urinaire et/ou test de Heller, servent de tests de dépistage de la protéinurie. Selon le contexte, la permanence de la protéinurie doit être ensuite vérifiée puis elle doit être quantifiée.

    Le RPCU

    C’est le ratio protéines urinaires sur créatinine urinaire. Il fait à présent partie des mesures de l’analyse d’urine pouvant être réalisées sur place, mais toutes les cliniques n’en sont pas équipées. C’est un paramètre intéressant de l’analyse d’urine mais qui ne sera pas réalisée systématiquement. 

    Alors, quand le mesurer ? 

    → Pour confirmer, préciser et quantifier une protéinurie visible aux tests de dépistage

    → Pour mettre en évidence une protéinurie (parfois non détectée à la bandelette)

    → Pour suivre une atteinte rénale

    Pour le réaliser, on utilise uniquement le surnageant, et c’est la machine qui mesure tout 😉 Attention toutefois à son interprétation ! Plusieurs facteurs peuvent influencer et augmenter le RPCU : 

    • Une hématurie
    • Une infection du tractus urinaire
    • Une inflammation 
    • Un traitement corticoïde long

    Il est donc indispensable de réaliser un culot urinaire, voir un ECBU avant de conclure à un RPCU augmenté. 

    Nous vous proposerons prochainement un article détaillé sur la protéinurie … restez connecté !

    Etape 4 : L’examen microscopique

     

    Mise en pratique

     

    Les urines sont centrifugées (3 à 5 minutes à 1200 tours par minute maximum afin de ne pas détruire les éléments figurés). Sur une urine contenant du sang, la présence d’un culot permet de différencier une hématurie vraie (présence d’un culot de globules rouges) d’une pigmenturie.

    Le culot peut être étudié entre lame et lamelle et/ou être coloré (RAL 555 ou coloration rapide de May Grünwald Giemsa).

    Alors, concrètement, qu’est ce qu’on peut y trouver sur ce culot ?

    Les bactéries

    L’association de la mesure du pH urinaire ainsi que l’observation de bactéries au microscope peut orienter le clinicien quant à la nature du germe en cause.

    pH urinaire

    Caractéristiques microscopiques

    Bactérie probable

    ACIDE

    Bacilles

    E.coli

    Coques

    Enterococcus spp ou streptococcus spp

    ALCALIN

    Bacilles

    Proteus spp

    Coques

    Staphylococcus spp

    Les cellules

     

    Cellules : Erythrocytes

    Quantité considérée comme normale : Moins de 5 GR / champ (grossissement X400)

    Signification : Une augmentation témoigne d’une irritation, d’un traumatisme (potentiellement iatrogène en cas de cystocentèse par exemple) ou de saignements spontanés.

    Cellules : Leucocytes

    Quantité considérée comme normale : Moins de 2 GB / champ (grossissement X400)

    Signification : Une augmentation témoigne d’une inflammation (pas nécessairement d’origine bactérienne).

    Cellules (ou ici, groupe de cellules) :  Cylindres

    Quantité considérée comme normale : 1 cylindre / champ (grossissement X400)

    Signification : Ils sont constitués de mucoprotéines ou de cellules et leur forme cylindrique est due à la moulure des tubules rénaux. Leur présence témoigne de dommages tubulaires.

    Cellules : Cellules tumorales

    Quantité considérée comme normale : Présence anormale

    Signification : Cellules transitoires présentant des signes de malignité (variation importante dans la dimension des cellules, figures de mitose, plusieurs nucléoles, augmentation du rapport nucléocytoplasmique…)

    Cellules : Spermatozoïdes

    Quantité considérée comme normale : Présence normale

    Signification : Mâle entier, spermatogenèse fonctionnelle (selon évaluation viabilité des spermatozoïdes)

    Les cristaux

     

    Les cristaux peuvent être présents chez l’animal sain s’ils sont en quantité limitée. Toutefois, la présence de plusieurs cristaux par champ est évocatrice d’une cristallurie anormale. 

    Attention au vocabulaire : le calcul désigne la forme macroscopique alors que les cristaux désignent ces éléments microscopiques. Lors de la présence d’un calcul dans les voies urinaires, ce dernier n’est pas nécessairement composé des cristaux observés sur le culot de l’animal. L’analyse d’un calcul par spectrométrie infrarouge reste indispensable pour en déterminer sa nature exacte. 

    Cristaux : Struvites (Phosphate Ammoniaco-Magnésien = PAM)

    pH : Alcalin principalement

    Présence : Peut être associé à une infection du tractus urinaire chez le chien

    Forme : En forme de “cercueils”

    Cristaux : Oxalates de calcium

    pH : Neutre ou acide

    Présence : Peut être retrouvé chez le chat en cas de diète acidifiante. Peut être retrouvé chez le chat et le chien en cas d’hypercalcémie, d’intoxication à l’éthylène glycol.

    Forme : En forme de “pyramide ou d’enveloppe’

    Cristaux : Urates

    pH : Acide

    Présence : Fréquents chez le Dalmatien et le Bouledogue Anglais. Chez d’autres races peuvent suggérer la présence d’une insuffisance hépatique ou d’un shunt porto-systémique (présent dans 25-30% des SPS).

    Forme : “Amas foncés” ou “étoiles”

    Cristaux : Cystine

    pH : Acide

    Présence : Prédisposition chez le Teckel, Terre-Neuve et Bouledogue Anglais

    Forme : Hexagone

    Voilà, vous avez à présent terminé votre analyse d’urine, vous avez recueilli beaucoup d’informations qui vont vous aider dans votre diagnostic différentiel ! 

    Parfois, en plus de l’analyse conduite à la clinique, il est nécessaire d’envoyer un échantillon d’urines en laboratoire, c’est ce que nous allons voir à présent. 

    Bonus : Un mot sur l’ECBU et l’antibiogramme

    L’ECBU ou examen cytobactériologique des urines est réalisé en laboratoire. 

    A J0, un examen microscopique des urines est réalisé. Cette nouvelle étude cytologique peut être complémentaire à l’analyse déjà réalisée en clinique. Un ensemencement est également mis en incubation pour 24 heures. 

    A J2, l’ensemencement est analysé. Il permet la quantification des colonies bactériennes mais aussi l’identification des germes par leurs caractères biochimiques et/ou par spectrométrie de masse. Enfin, un antibiogramme est réalisé afin de vérifier la sensibilité du ou des germes à un panel d’antibiotiques. 

    En pratique, on peut envoyer un ECBU au laboratoire dans des cas de cystites chroniques ou récidivantes, de protéinurie, d’examen microscopique du culot douteux à la clinique ou encore en fin de traitement d’infection urinaire. 

    L’analyse d’urine n’a, à présent, plus de secret pour vous ! 

    Bibliographie

    ASPEVALL, O., HALLANDER, H., GANT, V. et KOURI, T., 2001. European guidelines for urinalysis: a collaborative document produced by European clinical microbiologists and clinical chemists under ECLM in collaboration with ESCMID. In : Clinical Microbiology and Infection. 

    DIEMER, Margaux. Etude visant à préciser l’influence du mode de collecte des urines sur leur analyse physico-chimique et cytologique chez le chien. 2017. Thèse de doctorat.

    LEROY, Juliane. Comparaison des tests de dépistage rapide et de la mesure de la protéinurie chez le chien. 2006. Thèse de doctorat.

    MAUREY, C. Sémiologie biologique urinaire. EMC-Vétérinaire, 2005, vol. 2, no 3, p. 156-168.

     

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