Véto, le plus beau métier du monde ?

Cet article s’inscrit dans une petite série d’idées reçues autour du métier de vétérinaire que nous allons développer ensemble au fil des semaines. Toutes ces phrases toutes faites, ces impressions, et ces croyances populaires, qui parfois font sourire ou parfois font rire jaune …

Ces articles ont plusieurs objectifs :

  • Vous montrer que vous n’êtes pas seuls à vous heurter à ces préjugés
  • Vous informer sur des sujets variés afin de mieux comprendre notre métier
  • Vous donner des pistes et des arguments documentés pour répondre aux éventuelles questions (voire agressions on ne va pas se mentir 😉 ) auxquelles on peut être confrontés dans notre travail.

Alors si vous en avez marre du fameux “ha ben ça va vétérinaire tu dois te faire des millions vu comme c’est tous des voleurs !” et autres joyeusetés, voilà de quoi mieux comprendre les différents points de vue sur ces généralités.

Aujourd’hui nous parlons du fameux cliché : “Ah vous faites un beau métier docteur !”. Et oui, c’est bien connu vétérinaire fait partie des plus beaux métiers du monde, et ce n’est pas nous qui vous dirons le contraire ! Malgré tout, le taux d’abandon de la pratique et le taux de dépression et de suicide des vétérinaires est un des plus élevé dans de nombreux pays. Alors ce beau métier qui fait rêver les enfants, mythe ou réalité ? …

Un ou des métiers ?

On vous arrête tout de suite, vétérinaire, ce n’est pas un seul métier : parle-t-on d’un vétérinaire sanitaire, d’un chercheur, d’un enseignant, d’un praticien ? … Il y a tellement de facettes différentes, tellement de voies possibles une fois le diplôme de docteur vétérinaire obtenu. La plupart de ces métiers de vétérinaires sont inconnus du grand public. 

Si vous êtes intéressés par toutes ces possibilités n’hésitez pas à vous référez aux interviews de vétérinaires et autres articles à venir !

La pluralité de ce métier est un de ses avantages. En effet, il est toujours possible de changer de voie en cours de route, de se réorienter. Certains vétérinaires sont d’abord praticien en clientèle puis décident d’exercer en laboratoire ou comme représentant pour de nouveaux médicaments. On reste vétérinaire, on ne change pas foncièrement de milieu, pas la peine de se lancer dans de nombreuses années d’études (encore) et pourtant cela change du tout au tout ! De même au sein de la pratique en clinique il est possible d’exercer dans une petite équipe, dans une grande structure, en canine pure, en mixte, en ville ou à la campagne, d’être généraliste ou bien spécialiste, de faire de la chirurgie ou bien que de la médecine … bref il existe autant de postes que de vétérinaires ! 

 

Alors pour nous, définitivement, ce métier est beau grâce à cette diversité et cette pluralité. Parce qu’on aime faire fonctionner nos méninges et toucher un peu à tout. Ce champ des possibles et le fait de ne pas se sentir cantonné dans une case est un gros avantage. 

Et un bon point pour le métier !

Le métier de praticien : quelques points clés

Le plus souvent, quand on parle du métier vétérinaire, on fait référence au métier de praticien, c’est-à-dire au vétérinaire qui soigne les animaux de rente et de compagnie. L’image idyllique du vétérinaire est celle d’un amoureux des animaux, qui voit des animaux trop mignons et qui passe tout son temps à leur faire des caresses et des câlins. Lorsque l’on est petit, on résume souvent ce choix de métier à la question : tu aimes les animaux ? alors fait véto !

Oui mais … en réalité ce n’est pas vraiment ça 😉

• Les gens !

D’une part car il  ne suffit pas d’aimer les animaux pour être véto ! Oui c’est une des qualités requises mais il faut aussi aimer les gens ! En premier lieu, le vétérinaire, sauf s’il travaille en refuge, zoo, ou dispensaire, aura à faire au propriétaire. La relation client est une part ÉNORME de notre travail quotidien.

Être capable de communiquer est un point essentiel du métier : avec les propriétaires mais aussi avec les collègues, les représentants de laboratoire, les biologistes … Bref, le vétérinaire n’est jamais tout seul, et c’est ce qui fait la richesse de ce métier !

• Gentil mignon ?

D’autre part on va casser un mythe mais… tous les animaux ne sont pas mignons… Parfois nous devons prendre en charge des plaies chroniques peu ragoûtantes, des myiases (infection cutanée avec des larves), des dents très entartrées, des glandes anales pleines à craquer …

Avoir l’estomac bien accroché est un vrai plus dans ce métier !

Mais qu’ils soient jeunes, vieux, mignons ou … originaux, on les aime nos patients. La satisfaction du soin, par tout un processus de réflexion sur les examens complémentaires, les diagnostics différentiels, la mise en place d’un traitement ou la réalisation de chirurgie. Bref, tout ce qui compose la médecine est évidemment hyper stimulant et satisfaisant. Si en plus il y a une guérison et de la reconnaissance, c’est le jackpot émotionnel !

• Risque de blessures

Enfin, oui nous faisons souvent des câlins à nos petits protégés mais la majeure partie de notre travail consiste quand même à les embêter un peu avec des soins, des prises de sang, des chirurgies, des perfusions… Malgré toute la douceur du monde, certains animaux ne nous aiment pas du tout. Il est fréquent (voir très fréquent) de se faire mordre ou griffer 😉 Et on ne vous parle même pas des risques de blessures chez le vétérinaire rural où l’animal en face est un poil plus imposant que Médor ou Félix !

Attention, ce n’est pas une raison pour jouer au héros ! Le point clé dans n’importe quel soin est la sécurité : de l’animal, de vos collègues, des propriétaires, la vôtre …

• Émotionellement prenant

C’est encore un point un peu sombre du métier mais qui nous paraît essentiel : être vétérinaire c’est aussi côtoyer au quotidien la maladie, l’urgence, le stress et la mort … Bien sûr il y a des moments magnifiques pour compenser tout ça (et heureusement) mais cela peut être pesant émotionnellement et il faut y être préparé.

• Temporellement prenant

Alors oui, ce métier est absolument passionnant, parfois même un peu trop … Au point que l’on se laisse happer : de longues journées, des gardes, de la formation continue, un cerveau qui tourne en boucle sur certains cas ou sur certaines situations qui nous ont touchées (en bien ou en mal) … Bref parfois un peu dur de décrocher de ce boulot qui nous colle à la peau (mais ce sera le sujet d’un article promis 😉 ).

Alors avantages ou inconvénients ?

C’est un métier passionnant et valorisant ! Toutefois de nombreux aspects peuvent être difficiles et démotivants pour certains. C’est par exemple le cas de la relation client mais aussi du travail en équipe, du travail de nuit, des gardes, de la relation à la mort et à l’euthanasie…

Ce qui représente un inconvénient pour les uns peut être une bénédiction pour les autres ! Evidemment le contact avec la maladie, la mort et l’euthanasie est un point négatif du métier pour tout le monde (enfin on espère !) mais certains autres aspects dépendent de la sensibilité de chacun.

Dans une thèse vétérinaire de 2018, plusieurs points positifs du métier de vétérinaire praticien ressortent des enquêtes : la diversité de l’activité, la relation client, la relation d’équipe, la reconnaissance du travail (3). Toutefois, des aspects plus mitigés ont été mis en évidence : l’équilibre vie professionnelle/vie privée, les perspectives d’évolution, la rémunération, la pénibilité du travail …

Ainsi la relation client par exemple fait partie ici des points positifs du métier. Or si l’on recoupe avec d’autres études on s’aperçoit que la relation client fait partie des trois grandes causes de stress chez les vétérinaires. Tout est une question de point de vue !

Les facteurs de stress justement parlons en : les plus souvent cités sont la surcharge de travail et les horaires pénibles qui rendent la conjugaison vie privée/vie professionnelle difficile, mais également les difficultés éthiques et émotionnelles (2) (4).

    • Les horaires du vétérinaire sont un point phare du métier … pour savoir si un vétérinaire fait vraiment 80h / semaine, on vous laisse aller lire notre article qui traite exclusivement de ça (Véto, ça fait 80h / semaine non ?).
    • Les difficultés éthiques et émotionnelles sont celles déjà citées précédemment : relation avec la mort, la maladie, l’euthanasie, le stress, l’angoisse … Ce sont malheureusement des choses pour lesquelles l’école n’est pas en mesure de nous préparer.
    • La relation avec le client, et plus particulièrement la gestion du client difficile peut être considérée comme la troisième grande catégorie car elle est très souvent citée comme cause de stress professionnel : dans son travail sur les facteurs de stress dans les structures vétérinaires, A.Bertrand a interrogé des vétérinaires et des auxiliaires et la gestion de client difficile a été mentionnée comme l’exigence émotionnelle la plus stressante par les deux corps de métier à l’unanimité (1). Or c’est une des choses pour laquelle nous ne sommes pas suffisamment formés … Dans une étude de 2018 auprès de 508 auxiliaires et 1146 vétérinaires : la quasi-totalité des vétérinaires (97,6%) et un peu moins des deux tiers des auxiliaires (61,5%) estiment ne pas avoir été suffisamment formés à la gestion de clients difficiles. (5 )

    ” Concernant la relation avec le client, et particulièrement la gestion des émotions dans les moments difficiles, je trouve que l’école masque complètement cet aspect de notre travail … Les seuls personnes en contact avec les clients étaient les internes et les profs. En tant qu’élèves on parlait très peu avec eux, ou alors de manière très standardisée (alors question 1.A … puis question 1.B) il n’y avait pas du tout la place pour l’émotionnel et je me suis retrouvée un peu submergée à la sortie de l’école. Pareil concernant les euthanasies : je n’ai pas assisté à une seule eutha pendant mes études … la première fois en dehors, autant sur la pratique sur la gestion humaine j’ai vraiment eu un sentiment d’impro totale …”

    Marie

    • Le salaire … encore un point important et bien souvent sous-côté. Parce que dans l’inconscient collectif, le vétérinaire gagne très bien sa vie. Bien sûr le salaire est correct, mais ramené au taux horaire et à la pénibilité du travail, à la longueur des études et aux responsabilités, c’est à bien nuancer. Pour vous donner une idée, un vétérinaire est le professionnel libéral le moins bien rémunéré (médecin, dentiste, anesthésiste …). Mais tout ça sera bien plus détaillé dans un prochain article. 

    ” Je fais partie de la catégorie de ceux qui voulaient faire véto depuis le plus jeune âge. J’ai fais beaucoup de stages et pour moi, c’était MON plus beau métier du monde. Pourtant, il est clair que j’avais idéalisé le métier, au moins sur certains points. Un des souvenirs les plus frappants pour moi a été le salaire. Je vais passer pour une fille vénale à vous raconter ça mais c’est un vrai passage de mes débuts dans le monde pro qui m’a marqué… Je me souviens de la prise de consicence collective lorsque j’ai reçu ma première fiche de paie, échelon 1, en sortie d’école. J’étais quand même bien contente de ce premier salaire et j’ai montré le papier toute fière, à mes parents. Je me souviens surtout de leurs têtes en mode : “rappelle-moi pourquoi on t’a financé 10 ans d’études déjà ?!” “C”était pour 15 jours ou pour un mois ?!” Bref à eux aussi il a fallu que j’explique cette idée reçue du véto richissime … 😉 “

    Pauline

    Finalement, cela peut être assez culpabilisant de se sentir en désaccord avec l’idée générale que l’on exerce le plus beau métier du monde. Mais, vous savez quoi ? Vous avez le droit ! Dans une société où les préoccupations pour la santé physique et mentale augmentent de plus en plus, vous avez le droit d’expliquer que votre métier contient son lot de stress, de coups durs et de remises en question. On le voit de plus en plus sur les réseaux sociaux et c’est une bonne chose ! Le but n’est pas de diaboliser le métier non plus mais plus l’opinion générale est informée, plus les jeunes le sont, et moins la désillusion est grande à l’entrée dans la vie professionnelle. 

    Conséquences sur les vétérinaires

    Force est de constater que malgré cette image de “plus beau métier du monde”, ces dernières années, le nombre de vétérinaires quittant la profession augmente progressivement. De nombreuses enquêtes se sont attachées à étudier les motifs de sortie du tableau de l’Ordre (hors retraite). 

    Dans une thèse vétérinaire de 2018, environ 30% des vétérinaires quittant le tableau de l’Ordre déclarent le souhait de se réorienter professionnellement. 8,5% choisissent même de reprendre des études. Enfin, environ 19% des interrogés quittent la profession par choix, liée à la vie de famille. (3)

    Cependant ce “rejet” du métier peut aller plus loin avec certaines formes graves de dépression voire des suicides. En effet notre profession comptabilise les plus fort risque de suicide dans de nombreux pays … (2) Dans sa thèse Virginie Malvaso relève 22 études chiffrant l’impact du suicide dans la profession vétérinaire :

    – Les taux de suicide mesurés vont de 41,8 à 52,6 pour 10 0000 individus. (taux mondial moyen = 11,6) ;

    – Dix études obtenant des résultats significatifs indiquent une mortalité par suicide au moins trois fois plus élevée dans la population vétérinaire que dans la population générale.

    Pourquoi alors quitter ce métier-passion, dont on rêve depuis tout petit ? Pourquoi de telles conséquences dramatiques auprès de confrères et consœurs ? (*)

    Tout simplement parce que l’idée que l’on en avait ne correspond pas à la réalité du terrain. Cette désillusion, peut être due à une idéalisation du métier, présente dans de nombreux métiers de la santé, et est un risque énorme pour les jeunes diplômés. C’est pourquoi il nous paraît essentiel de multiplier les stages et les expériences dans le monde du travail pour se rendre compte du quotidien mais surtout de ce que l’on veut ou ne veut pas pour notre futur …

    Également parce que ce métier, aussi merveilleux soit-il, regroupe des facteurs de risques : plusieurs facteurs de stress, burn-out, isolement social, l’impact de l’euthanasie (2). La fatigue physique et mentale sur un job aussi prenant peut vite impacter votre santé : prenez soin de vous.

    (*) Si vous êtes en situation de détresse ou que vous connaissez quelqu’un qui souffre dans son métier et dans sa vie, cherchez de l’aide, on ne le dira jamais assez : Véto-entraide https://vetos-entraide.com/ , auprès de vos amis, vos collègues, en message privé … Vous n’êtes pas seul(e) !

    Conclusion

    Alors, il ne faut pas oublier que ce métier est certes fantastique, parfois dur et prenant, mais il ne reste qu’un métier. Vous n’êtes pas vétérinaire. Vous êtes un Homme, une Femme, une Licorne ou que sais-je, qui exerce la profession de vétérinaire.

    Ne laissez pas le véto prendre toute la place car il n’y a pas de plus beau métier du monde. Chaque métier, chaque job à ses points positifs et son lot de points négatifs…

    L’objectif de Vet’Side est d’être suffisamment lucide sur tous les aspects de notre travail pour pouvoir proposer des clés et du soutien sur les aspects les plus compliqués ou qui peuvent vous poser problème. C’est également un moyen de créer du lien, de se rendre compte que l’on n’est pas seul face à nos propres sentiments mais qu’ils sont partagés par le plus grand nombre. Pour aimer votre travail il faut l’apprivoiser, et on espère vous y aider 🙂

    «Votre travail va occuper une grande part de votre vie et la seule façon d’être satisfait est de faire ce que vous croyez être un grand travail. Et la seule façon de faire un grand travail est d’aimer ce que vous faites. Si vous ne l’avez pas encore trouvé, continuez à chercher. N’abandonnez pas. Comme tout ce qui concerne le cœur, vous savez que vous le trouverez».

    Steve Jobs

    Sources

    1. BERTRAND, A., 2014. Les facteurs de stress en cabinet vétérinaire. Thèse d’exercice, médecine vétérinaire. Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort (http://theses.vet-alfort.fr/telecharger.php?id=1793
    2. MALVASO, V., 2013. Le suicide dans la profession vétérinaire : étude, gestion et prévention. Thèse d’exercice, médecine vétérinaire. Vetagro Sup Campus Vétérinaire de Lyon (et article lié http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/56865/AVF_168_2_142.pdf?sequence=1)
    3. VICTORION, L., 2018. Analyse des sorties volontaires du tableau de l’Ordre des vétérinaires âgés de moins de 40 ans: caractérisation des sortants et identification des causes de retrait. Thèse d’exercice, Médecine vétérinaire, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse.    (https://oatao.univ-toulouse.fr/21384/1/Victorion_21384.pdf)
    4. WITTKE, G., 2012. Enquête préliminaire sur les risques psychosociaux en cabinet vétérinaire. 4 septembre 2012.
    5. sealed DUNAND, M., 2018. Typologie des profils psycho-sociaux des clients perçus comme difficiles : enquête auprès de vétérinaires et auxiliaires canins, Thèse d’exercice, Médecine vétérinaire, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse (https://oatao.univ-toulouse.fr/25417/)
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