Véto : apprendre à déconnecter

Parce que c’est bien beau de vous apprendre à connecter du mieux possible avec ce boulot et avec ce milieu mais pour continuer à l’aimer il faut savoir s’en déconnecter et c’est plus facile à dire qu’à faire !

Dans cet article on essaye de décortiquer pourquoi c’est si compliqué d’oublier un peu qu’on est vétérinaire mais pourquoi c’est si important en même temps… Et surtout on vous donne toutes nos astuces pour se forcer à prendre du temps pour soi !

Pourquoi on a du mal à déconnecter ?

Vétérinaire praticien c’est un métier passion et, nous les premières, c’est parfois difficile de décrocher. L’équilibre vie pro / vie perso peut vite basculer et ça on en a conscience tôt dans le cursus : 70 % des étudiantes estime que leur futur emploi influencera leur vie sociale de façon négative. (1)

Cette thèse de 2019 s’intéressant à la conciliation vie pro / vie perso chez les vétérinaires montrait que quatre vétérinaires diplômées sur cinq étaient insatisfaites de leur temps de loisir actuel et 74 à 84% étaient insatisfaites du temps alloué à leurs proches.

Pourquoi un tel déséquilibre ?

→ parce que c’est un travail prenant avec des plannings chargés et qu’on y passe déjà une grosse partie de la semaine ! En ce moment mon planning “¾ temps” m’amène à faire 35h/semaine sans compter les gardes, autant dire qu’on est largement sur un temps plein ! (On en a déjà un peu parlé par ici)

→ parce qu’une fois parti(e) on y pense encore … Ne mentez pas, même lorsqu’on a transmis son cas, on veut avoir des nouvelles, savoir comment il va et comment évoluent ses paramètres. Est-ce qu’on a bien tout expliqué au propriétaire ? Est-ce qu’il va réussir à donner les traitements ?

→ parce qu’on continue à réfléchir, à se former et à lire sur les sujets qui nous ont intéressés ou donnés du fil à retordre pendant notre journée de boulot. C’est non seulement notre curiosité, notre esprit critique et notre sérieux qui parlent, mais aussi notre obligation de formation (2)

→ parce qu’on a besoin de confronter nos expériences avec celles rencontrées par des collègues, concernant des cas ou des situations. Ce phénomène de “debriefing” présente un réel intérêt dans l’organisation et la prise en charge de futurs patients : l’efficacité des individus et des équipes pourrait être améliorée de 25%. (3)  Mais pour rester efficaces sans être délétères ces debriefings doivent être conduits, encadrés et ciblés !

→ parce que parfois on a besoin de relâcher la pression de ce qu’on a vécu ou vu. Et parfois on se retrouve en dehors du cadre professionnel avec des collègues ou amis et on parle boulot ! On se raconte nos anecdotes les plus croustillantes, qui ne font rire ou ne font écho que chez des professionnels du monde véto …

Bref il arrive un moment où on bosse véto, on lit véto, on parle véto, on mange véto … et trop c’est trop !

Pourquoi faut-il apprendre à déconnecter ?

Réussir à quitter le travail physiquement

On aurait facilement tendance à se laisser dépasser, parce qu’on veut finir avant de partir, remplir les dossiers, faire encore un test, réfléchir encore un peu, passer du temps avec nos hospitalisés auxquels on n’a pas dédié suffisamment d’attention …

Oui mais ces heures sup’ ne sont pas forcément synonymes de productivité … Il a été démontré que les heures supplémentaires (en trop grande quantité) nuisent à la productivité finale des professionnels de santé. Pour chaque tranche de 10h supplémentaires réalisées par des infirmières en soins intensifs, une étude de 2018 met en évidence une augmentation en parallèle de leur temps d’arrêt maladie. Sur le coup on a l’impression d’être plus efficace car on bosse plus longtemps, mais on est obligé de s’arrêter à un moment ou à un autre … (4)

Réussir à quitter le travail mentalement

Parce que sous couvert de lire, d’écouter des podcast et d’apprendre de nouvelles choses pour être plus performant, on peut au contraire s’amener des pensées négatives :

→  le fait d’être tout le temps branché sur le canal “véto” ne donne pas l’occasion au cerveau de faire autre chose. On intègre moins bien les informations. On a dû souvent vous le répéter pendant vos études : pour être efficace il faut savoir faire des pauses ! On pense notamment à la méthode Pomodoro qui consiste à se fixer une seule tâche avec un minuteur et des pauses régulières. (5)

→  il y aura toujours de nouvelles choses à apprendre, s’y confronter constamment, sans retenue et sans vraiment trier ou organiser son temps de travail, peut être anxiogène. En effet, si chaque jour vous découvrez des choses, sans jamais prendre le temps de les assimiler ou de les appliquer, vous aurez juste l’impression d’être constamment face à l’immensité de votre ignorance. Et ça, c’est angoissant. Alors on essaye d’apprendre encore plus pour se rassurer. Vous le voyez le cercle vicieux ? Cette boulimie de connaissances finit par avoir un effet négatif sur votre humeur et sur votre apprentissage.

En plus notre métier est stressant, c’est un fait, s’y confronter sans arrêt, ça veut dire qu’on s’impose ce stress constamment. Et là on prend le risque de glisser lentement vers un stress chronique, un burn-out … On ne détaillera pas plus ici, on a tout un article là dessus.

Alors stop on se détend, on prend un thé et une série débile et on pense à autre chose !

Quelques méthodes pour déconnecter

Bon c’est bien beau maintenant qu’on sait qu’on est complètement accro à ce boulot, comment on fait pour passer outre et réussir à faire autre chose ?

Détacher le corps

Sommeil

Pour obliger son corps à faire une pause, la première chose absolument essentielle est le sommeil. ça peut paraître bête et bateau, mais c’est absolument primordial de dormir suffisamment et de manière réparatrice.

“Je suis une fervente adepte de la sieste entre midi et deux : juste 20 minutes après le repas, ça me permet vraiment de faire un break dans la journée. Même en mangeant le midi je suis capable de repenser à la matinée qui vient de s’écouler ou à l’après midi avenir. La sieste c’est vraiment le moment où je ne pense plus et ça permet de repartir de plus belle.”

Marie

Outre des micro-sommeils, il faut prendre soin de ses nuits, d’autant plus dans un métier où l’on alterne parfois les rythmes avec des gardes. Pour ça il est nécessaire de se connaître : vous êtes plutôt du genre marmotte et il vous faut vos 9h de sommeil ? Vous êtes un lève-tôt, il ne vous faut que 7h pour être en forme ?

Mais il est aussi intéressant de connaître quelques bases universelles : on laisse tomber le téléphone ! Et là c’est pas mamie-Marie qui parle, il y a vraiment des études qui le montrent : en utilisant le téléphone avant de dormir, les jeunes (moins de 40 ans) sont plus fatigués et ont plus de mal à se lever le matin ! (6) Bref une douche, une tisane et au lit !

Ndlr ironie

[à l’heure où je relis ces mots je sors de plus de 40h de boulot en 3 jours, championne officielle du “faites ce que je dis pas ce que je fais”.

Bisous 

Marie]

Nos astuces :

  • on en a parlé : la sieste postprandiale, notre dieu à tous.
  • se prévoir une activité à faire avant de dormir qui n’inclut pas l’usage d’un écran (un livre, un puzzle, l’appel à un ami …)
  • mettre en place un rituel, une “night-routine” : en rentrant je prends une douche, j’enfile quelque chose de confortable, je fais un soin du visage, je lis un chapitre, j’écris ou je dessine 20 minutes… Bref se faire un peu violence pour avoir des BONNES habitudes et réussir à se mettre au lit dans le meilleur état d’esprit possible à la meilleure heure possible pour vous.

Alimentation

Vous l’avez compris, dans cette partie on reprend les bases : après le sommeil, la bouffe !

Alors on prend soin de soi par l’estomac aussi. On ne vous refera pas le topo “manger équilibré, au moins cinq fruits et légumes par jour etc etc” (même si c’est très important hein on est d’accord). Mais se prévoir du temps pour manger, faire un vrai repas et pas juste un sandwich debout entre deux portes c’est essentiel à votre santé physique évidemment mais mentale aussi. Une meta-analyse regroupant 21 études met en évidence un pattern selon lequel des repas “équilibrés” avec des fruits, des légumes, du poisson, moins de graisse, semblent corrélés avec une diminution du risque de dépression, par rapport à des repas types “fast-food”. (7)

Alors non manger un fast-food ne va pas vous faire plonger dans la dépression, mais c’est plutôt lié à un mode de vie : le fait de prendre le temps de bien manger, ça vous oblige à déconnecter, à prendre du temps pour vous, et ça c’est forcément bon pour le moral !

Ndlr ironie bis

[Toujours en relecture, avec mon M*cdo,

re-bisous,

Marie]

Nos astuces :

  • se préparer à l’avance un plat qu’on aime en “grande quantité” pour pouvoir se faire un tupperware voire même en congeler pour les jours un peu speed.
  • certaines applications vous proposent des idées de menus avec des aliments de saison ! Ça donne des idées et ça évite de manger toujours la même chose. (8)
  • sur le même principe : essayez de voir autour de vous s’il n’y a pas des paniers de fruits et légumes en livraison, ça fait gagner du temps sur les courses, ce sont des produits locaux, bref que des avantages ! (9)
  • s’autoriser à déraper de temps en temps : vous avez troqué le chou kale pour un burger dégoulinant ? Vous avez un peu forcé sur l’alcool lors du repas entre amis ? On ne culpabilise pas, on mangera mieux demain 😉

 

Sport

Puisqu’on parle du corps, on ne pouvait pas faire l’impasse sur le sport. Depuis plus de 30 ans, des études montrent les bienfaits du sport sur le mental. Pour présenter un réel intérêt, l’activité sportive doit être pratiquée de manière régulière (au moins sur 10 semaines), même si c’est sur des séquences peu intenses (une vingtaine de minutes minimum). (10) (11)

Le sport fait du bien sur un aspect psychologique :

– c’est une distraction : en se concentrant sur l’activité en cours on oublie un peu les soucis liés au boulot.

– c’est un générateur de confiance en soi : en pratiquant régulièrement une activité, on se challenge, on s’améliore et ça, ça booste le moral.

– ça peut être un créateur d’interaction sociale : vous croisez les mêmes têtes, voire vous faites du sport en groupe, ça permet de créer du lien avec des gens en dehors du cercle professionnel !

Bon et puis d’un point de vue purement chimique, le fait de pratiquer une activité physique provoque la libération d’endorphines : c’est agréable pour notre système nerveux, on est calme et serein après ! (12)

Alors évidemment il ne faut pas tomber dans l’excès, mais globalement le sport ne peut faire que du bien quand il s’agit de couper avec le boulot.

 

Nos astuces :

  • trouver une activité sportive qui vous plaît ! Vous êtes danseur ou pouffe équine ? Plutôt sur l’eau ou sur la terre ? Courir vous vide l’esprit ? À vélo avec votre copain canin ?
  • trouver un équilibre : c’est à dire un rythme que vous pouvez tenir en faisant du sport régulièrement pour que ça fasse partie de votre routine. Il faut trouver le juste milieu entre savoir faire une pause sur une semaine vraiment trop chargée où vous n’avez physiquement pas le temps d’aller au sport comme d’habitude (le but n’est pas de se blesser non plus !) et le “ho j’ai un peu la flemme j’irai plus tard” qui dérape vite vers une “tiens ça fait 6 mois que j’ai pas mis un pied à la salle”. Donc un peu de discipline au départ, promis après ça fait vraiment du bien.

Détacher l’esprit

Savoir quand se mettre en off

Quand on n’est plus au travail, on n’est plus chirurgien ni médecin… C’est difficile à mettre en œuvre et on est vite tenté de faire une exception pour tel cas ou pour tel animal : demander des nouvelles ou venir s’en occuper sur nos jours de repos … alors oui de manière exceptionnelle ça peut arriver, on ne va pas vous dire de ne pas vous impliquer (venant d’une de nous ce serait se moquer du monde) mais si ça arrive toutes les semaines, tous les jours (!) il faut se remettre en question.

Alors quand on a un jour de repos, on débranche son téléphone. En effet, on a un secret à vous dire : la clinique continuera à tourner sans vous, promis.

 

“Un de mes précédents employeurs m’a dit un jour “Personne n’est indispensable, si tu veux pas travailler comme ça, la porte est là” bon dans le contexte j’avais été affreusement blessée, mais au final c’était le meilleur conseil qu’on aurait pu me donner. Et aujourd’hui je vous le dis sur un ton complètement différent, bienveillant et empathique : personne n’est indispensable. Aussi bon et impliqué que tu sois, la profession vétérinaire ne t’a pas attendu pour tourner, et continuera après toi. Alors tu ne lui dois rien et rien ne mérite un burn out, ta santé mentale est plus importante que ce métier.”

Marie

 

Exemples d‘activité

On commence avec l’évident yoga, pilate, … Pour faire du sport sans en avoir l’air, le simple fait de se tenir à un rythme pour aller faire autre chose “tous les mardis c’est yoga” ça fait une petite bulle d’oxygène dans une semaine chargée. Dans la même veine on trouvera l’hypnose, ou la méditation … Il existe des méthodes de respiration qui permettent de gérer son stress (cohérence cardiaque notamment). (13) Si vous vous sentez vraiment mal au quotidien, n’hésitez pas à faire appel à des professionnels qui pourront vous aider. Toujours dans cette idée, on aimerait parler de la relaxation guidée et de l’ASMR (pour Autonomous Sensory Meridian Response) on vous laisse regarder ça sur youtube : alors oui des fois c’est bizarre, voire même carrément glauque, mais certains bruits blancs comme le crayon sur du papier ou le fait de taper à l’ordinateur, tourner des pages, ça occupe le cerveau en douceur et ça évite d’avoir des pensées parasites (14). Certaines études commencent même à montrer que ça diminue temporairement les symptômes de dépression et de douleurs chroniques alors why not ? (15) 

 

Franchement cette partie va faire un peu catalogue mais c’est juste tous les trucs qui nous passent par l’esprit quand on pense déconnexion !

  • livre : un bon bouquin avec une intrigue policière, un roman à l’eau de rose, allez on s’autorise même quelques fables animalières, c’est pour la bonne cause (16).
  • série et film : on a le droit de regarder un truc léger, sans conséquences, qui ne nous apprend rien de particulier mais nous fait juste du bien. Aller go checker L’amour est dans le pré :p
  • un bain, un massage, un soin, bref du temps pour soi, sans culpabiliser de ne rien faire de productif !
  • musique : l’écouter ou en faire, dans tous les cas ça fait du bien !
  • puzzle et jeu de société : on vous voit venir avec votre “une tisane et un scrabble, super les activités du 3ème âge !” mais en vrai il existe une tonne de jeux, vous pouvez découvrir tout ça dans les bars à jeux et festivals ! (17) (18) Avec Pauline on doit avouer : notre passion secrète c’est les escape game <3

A → B ; B → C …

  1. Mf tvddft o’ftu qbt mb dmf ev cpoifvs.

 

  • bricolage et “DIY” : fabriquer des choses, produire de la décoration, clairement on pense à autre chose et c’est super satisfaisant !
  • on sait qu’il y a des artistes parmi vous aussi, dessiner, écrire, n’hésitez pas à partager vos œuvres si le cœur vous en dit !

 

Et vous, c’est quoi votre truc pour déconnecter ?

Sources

  1. Bertoliatti-Fontana A., 2019, Conciliation vie personnelle et vie professionnelle chez les femmes vétérinaires – enquête auprès d’étudiantes et de vétérinaires en exercice, thèse pour l’obtention du grade de docteur vétérinaire, École Nationale Vétérinaire d’Alfort.
  2. Article R242-48 – Code rural et de la pêche maritime
  3. Tannenbaum SI, Cerasoli CP. Do team and individual debriefs enhance performance? A meta-analysis. Hum Factors. 2013 Feb;55(1):231-45. doi: 10.1177/0018720812448394. PMID: 23516804.
  4. D’Sa VM, Ploeg J, Fisher A, Akhtar-Danesh N, Peachey G. Potential Dangers of Nursing Overtime in Critical Care. Nurs Leadersh (Tor Ont). 2018 Sep;31(3):48-60. doi: 10.12927/cjnl.2018.25677. PMID: 30653455.
  5. La méthode Pomodoro en 5 étapes – Méthode Pomodoro – Infos & Techniques
  6. Exelmans L, Van den Bulck J. Bedtime mobile phone use and sleep in adults. Soc Sci Med. 2016 Jan;148:93-101. doi: 10.1016/j.socscimed.2015.11.037. Epub 2015 Dec 2. PMID: 26688552.
  7. Li Y, Lv MR, Wei YJ, Sun L, Zhang JX, Zhang HG, Li B. Dietary patterns and depression risk: A meta-analysis Psychiatry Res. 2017 Jul;253:373-382. doi: 10.1016/j.psychres.2017.04.020. Epub 2017 Apr 11. PMID: 28431261.
  8. Fabrique à menus
  9. Annuaire national des AMAP
  10. Leppämäki SJ, Partonen TT, Hurme J, Haukka JK, Lönnqvist JK. Randomized Trial of the Efficacy of Bright-Light Exposure and Aerobic Exercise on Depressive Symptoms and Serum Lipids. J Clin Psychiatry. 2002 Apr;63(4):316-21. PMID: 12000205.
  11. Petruzzello SJ, Landers DM, Hatfield BD, Kubitz KA, Salazar W. A Meta-Analysis on the Anxiety-Reducing Effects of Acute and Chronic Exercise. Outcomes and mechanisms. Sports Med. 1991 Mar;11(3):143-82. doi: 10.2165/00007256-199111030-00002. PMID: 1828608.
  12. Peluso MA, Guerra de Andrade LH. Physical activity and mental health: the association between exercise and mood. Clinics (Sao Paulo). 2005 Feb;60(1):61-70. doi: 10.1590/s1807-59322005000100012. Epub 2005 Mar 1. PMID: 15838583.
  13. Cohérence Cardiaque : définition, bienfaits, exercices pour aller mieux
  14. ASMR, la sensation de plaisir qui fait vibrer
  15. Barratt EL, Davis NJ. Autonomous Sensory Meridian Response (ASMR): a flow-like mental state. PeerJ. 2015 Mar 26;3:e851. doi: 10.7717/peerj.851. PMID: 25834771; PMCID: PMC4380153.
  16. Vétos à fables – Bouffanges – Livres : écrits par des vétos ! Les bénéfices sont reversés à Véto-entraides <3
  17. Festival International des Jeux de Cannes
  18. Liste des festivals de jeux de société – La carte de France
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